samedi 7 octobre 2017

Juste une hypothèse




 – Il me semble que vous tirez un peu en longueur avec votre histoire de Nabuchodonosor... vous nous faites languir et on s'ennuie un peu...

– Bien... voici la suite, mais avant: un petit rappel...

" Une nuit, Nabuchodonosor fit un de ces songes limpides et angoissants qui explorent les profondeurs du futur avec la précision de la fièvre. Le lendemain il réunit tous ses experts, devins, mages et leurs semblables, et eut avec eux un entretien qui peut se résumer ainsi: il exigeait d'eux l'explication de son rêve sans pour autant le raconter, il leur imposait d'en deviner même la trame.
...
Sûr de son illumination, Daniel se présenta devant Nabuchodonosor et lui répéta ce qui lui avait été transmis. Le roi avait vu en songe une très haute statue ainsi composée: une tête en or, un torse et des bras en argent, un ventre et des flancs en bronze, enfin, avec une parcimonie croissante, des jambes en fer et des pieds moitié en fer et moitié en argile.

Voici que d'une montagne se détachait une pierre qui allait précisément heurter les extrémités de la précaires construction. Elle s'écroulait au sol, réduite en poussière. Il ne restait finalement que cette pierre pour occuper le paysage du songe.
Nabuchodonosor ne l'interrompit pas, il est sans voix: ce jeune hébreu a rêvé son cauchemar, il a pénétré dans sa nuit, la parcourant comme une page qu'on peut lire, déchirer. Il se tait, peut-être saisi par la frayeur de celui qui s'aperçoit que même dans ses rêves il n'est pas seul.
Daniel poursuit. Il révèle que la glorieuse tête d'or de la statue, c'est bien lui, Nabuchodonosor. Après lui viendra toute une série de souverains de moindre envergure, selon l'allégorie de l'économie de matériaux précieux utilisés dans les parties inférieurs du monument. Enfin le dernier roi sera balayé par la pierre qui pulvérisera tout et dont la durée sera en coïncidence avec l'éternité.
Dès qu'il eut entendu le dernier mot, Nabuchodonosor, d'un geste de révérence non prévu par le protocole, s'incline jusqu'à terre devant un tel prodige. Il sait qu'il vient d'assister à une incomparable démonstration de totale révélation onirique.*



– C'est fini?
– Oui.
– Pourquoi nous avez-vous raconté cela? 
– Parce que cela me plaisait et que c'est, tout comme dans l'histoire, un message envoyé aux hommes et qui concernait une personne que je connais... un peu...
– Vous parliez de moi... encore...
– Un peu... c'est une possibilité, mais que je sache vous n'êtes pas un être humain...
– C'est peu dire que je n'y comprend rien tant je crois que je n'ai rien à voir avec cette histoire!
– Il se pourrait qu'au contraire vous ayez beaucoup à y voir... mais ce n'est pas une vérité... juste une hypothèse...
– Même si je ne suis un être humain?
– Il es possible que nous soyons tous concerné...




* Un nuage comme tapis, Erri de Lucca, Rivages Poches








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