" En outre, qu'en est-il des degrés de croyance qui s'attachent à la valeur représentative de l'image de l'absent? Quoi de commun entre la confusion qui nous fait «prendre» l'imaginaire «pour» le réel et la distance critique qui nous fait dire que l'image n'est que... imaginée et non perçue? Or c'est par rapport à cet axe de la croyance que se déterminent les appréciations les plus opposées de l'imagination, de Montaigne, Pascal et Spinoza, d'un côté, à Husserl et Sartre de l'autre côté. Pour les uns l'image fait de l'imagination le paradigme de toute capture dans l'illusion, pour les autres elle en fait le modèle de toute epoché, de toute suspension ou distanciation par rapport au réel. A une extrémité, donc, l'hallucination (ou l'équivalent «normal» de l'hallucination «morbide»), à l'autre extrémité, le libre jeu de la distance critique.
Mais ce n'est pas tout : les oppositions précédentes restent encore contenues dans le cadre de l'image mentale conçue comme évocation libre d'une chose absente mais déjà existant."
Paul Ricoeur, Imagination et métaphore
Trois-cent-deuxième rapport de Don Carotte
Il semblerait, je le redis, que les nombreuses lectures que fait l'enfant Lune ne puisse pas être comprise de la même manière par tout le monde. Bien longtemps après, je ne puis pas la reconnaître. Un voix somme toute inaudible, voilà ce qu'elle me semble être. Mais elle est et si je la reconnais, ce n'est pas par son timbre, mais à la relation entre son étrangeté et ce qu'elle dit... J'en suis certain et pourtant... je ne sais ce qu'il faut en penser. Je ne puis que transcrire, en essayant de ne pas le transformer, en résistant à corriger, ce que j'ai entendu.... que je sais être différent de ce que d'autre, dans le même temps que moi, ont pensé entendre. En écrivant ce rapport je ne sais ce qui de moi ou de lui, passager clandestin, prend place dans cet écrit...
Des voix se font entendre...
– Qui êtes-vous?
– Quel est le problème?
– Les pauvres...
– Les pauvres ... parlent toujours trop... trop longtemps... si souvent en rafale... balayé par le vent...
– Qui êtes-vous?
– Mais pourquoi?
Passage à vide.
– Il ne se prend pour sot.
– Ridicule!
– Non! J'adore. Comme son nom transpercé... Une flèche brisée...
– Est-ce que vous traversez?
– Cible peut-être... peut-être aimeriez-vous l'utiliser! Être utile ou utiliser il faut choisir... Regarder l'autre ou le laisser vous regarder...
- Terre grise ou noire... C'était écrit... À sa façon. Je ne sais pas ...
- Qu'est-ce que vous cherchez? Qu'est-ce que vous cherchez? Le ton monte... Son souffle brûle.
Tout le monde retient son souffle.
– Incroyable de voir comment la montagne lèche le ciel qui se pâme et récite... muscles saillants, l'homme copieusement détruit.
– ... un incident secret sur l'enterrement de montagne...
- Il peut être quelque chose... riposte fugace... parce que si vous êtes heureux d'avoir quitté la montagne... elle dénie la faille...
– Moi, doux pipeau sur lequel vos doigts s'agitent, je m'enflamme et ne sais pas... l'abus de drogues, peut-être... sûrement pensez-vous tout noir. Faux, vous dis-je. Du fond du ventre l'esprit brisé déforme à l'envi l'image volée de l'oiseau:
« Je viens d'un soleil...»
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