dimanche 14 octobre 2018

(14) L’enfant qui sommeille


" ... un homme face à la mer, les mains enfoncées dans les poches d'un manteau de de tranchée imperméable, et le spectateur avait à peine eu le temps d'enregistrer furtivement ces images, d'une grande beauté désolante, qu'on serait déjà, en deux temps trois mouvements sur le visage de cet homme solitaire: visage ravagé, buriné, vrai masque d'homme, tout dans le masque."

La deuxième mort de Ramòn Mercader, Jorge Semprun 





Trois-cent-troisième rapport de Don Carotte



 L’enfant Lune, en silence parlait et ainsi grandit. Il m'arrivait de l'entendre, moi aussi.

– J'entends, mais ce que j'entends n'est pas entièrement ce qu'ils disent. C'est ce que me disent mes amis, fous, théologues, irresponsables penseurs… Comme vous, ils sont arrivés par la providence… en secret, sans aucun débordement…
Mais eux me connaissent sans aucun doute. Ils connaissent donc l’enfant qui sommeille en moi.


Pour son malheur, sa mémoire est sans défaut... c'est ce qui m’inquiète… et me réveille en sursaut…


Dans mes songes, l’enfant Lune disparait et un homme prend sa place, face à la mort. Lui aussi parle:


– Ce n’était point le temps de l’enfant qui était immobile, mais ce qui, perdu dans le temps, au-delà des heures, ne nous appartient pas…


La mort, toujours aux aguets, s’énerve, un peu:


– Vous me fatiguez et m’inquiétez.

Que sont devenus ces gestes si subtils et ces légères allusions…Vous qui étiez si beau, si séduisant... Il me semblait cependant que bien souvent vous étiez en proie à un désespoir manifeste… Cela me chagrinait et malgré l’irrésistible splendeur de vos sourires, lestes courbettes et jolies folies, je me demandais: qu'allez-vous devenir?! En pleine lumière, tout ce que je recevais de vous me semblait comme des présents pleins de promesses.

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