mercredi 17 octobre 2018

(17) Auparavant


" Au-dessus de la carriole qui roulait sur une route caillouteuse, de gros et épais nuages filaient vers l'est dans le crépuscule. Trois jours auparavant, ils s'étaient gonflés au-dessus de l'Atlantique, avaient attendu le vent d'ouest, puis s'étaient ébranlés, lentement d'abord et de plus en plus vite, avaient survolés les eaux phosphorescentes de l'automne, droit vers le continent, s'étaient effilochés aux crêtes de marocaines, reformés en troupeaux sur les hauts plateaux d'Algérie, et maintenant,aux approches de la frontière tunisienne, essayaient de gagner la mer Tyrrhénienne pour s'y perdre. Après une course de milliers de kilomètres au-dessus de cette sorte d'île immense, défendue par la mer mouvante au nord et au sud par les flots figés des sables, passant sur ce pays sans nom à peine plus vite que ne l'avaient fait pendant des millénaires les empires et les peuples, leur élan s'exténuait et certains fondaient déjà en grosses et rares gouttes de pluie qui commençaient de résonner sur la capote de toile au-dessus des quatre voyageurs."

Albert Camus, Le premier homme



– Dans les couloirs ouvragés, sous les murs mutilés, s’envole invisible la trace lointaine d’une vie.
Entre les mâts brisés, plus rien ne bouge hormis les ombres...

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