jeudi 17 octobre 2019

(17) Quelque part

 

" Me voici dans un lieu sacré, un sacré disparu. Les statues des divinités se sont désengagées du culte et du commerce avec l'espèce humaine. Il est resté une grandeur qui ne dépend pas de la fumée des autels. Elle ne sont pas en exil, elles sont réunies en assemblée à l'intérieur du musée, par opposition au dieu exclusif et unique du monothéisme. Plus anciennes que sa révélation, elles conservent un sentiment de supériorité envers l'ultime divinité arrivée, qui leur fit le tort de les ignorer. Elles n'éprouvent aucun ressentiment. Elles ont été honorées par les poètes, des philosophes, des dramaturges, des mosaïstes et des sculpteurs. Elles ont parlé les langues savantes, le grec et le latin, en habitant les entrailles des volcans, les sommets enneigés, les fonds marins. Elles ont habités le monde, pas le ciel."

 Erri de Luca, La nature exposée, Gallimard


Quelque part, entre le ciel, la mer et quelques îlots incertains, vestiges  vacillants de lointaines éruptions, Platon l'Ancien, demeuré jeune et sentimental, accompagné de Daemon, recueillent Platon, le petit chien dont la queue est encore fumante. Celui-ci a le goût du risque, rien n'est plus haïssable pour lui qu'une fuite. Et d'emblée il l'exprime non sans quelque grandiloquence:

– En qui se passe dans cette scène il n'est rien qui puisse être apparenté à une fuite!

Il n'a aucune illusion sur la faiblesse de ses propres convictions... qui le fait immédiatement corriger la forme et donc le fond...

– Tout cela n'est qu'apparence et ce qui "se" passe ici ne devrait pas être apparenté à une fuite! Après tout, il se pourrait que seule importe la main qui se pose sur du vivant...

La petite hésitation de Platon, qui est le fruit de la présence du "se", suffirait à démontrer ce qui précède si le temps ne nous était compté... et que le mouvement qui anime les choses se ferait de lui-même...

– Aux yeux de certains, il est naturel que je paie d'une sorte de folie, le sombre sentiment de l'inutilité de chaque chose... et le lumineux espoir qu'un jour, peut-être, je comprendrai un tout petit peu...


 

Aucun commentaire: