mercredi 1 avril 2020

(1) Lieu

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[...] « Nous revenions avec amitié sur nos anciennes différences, comme jadis, avec amitié, nous les avions reconnues. Mais nous nous accordions enfin, selon l’usage éternel des personnes qui se font moins jeunes, dans le regret des jours consumés. Quoique rien ne soit plus ordinaire, toutefois il ne fut jamais plus raisonnable de gémir sur ce qui n’est plus. C’est que le temps de notre jeunesse et celui de notre vigueur ne s’est pas évanoui insensiblement et par une altération imperceptible, il a péri d’une mort violente ; il ne peut plus s’apercevoir qu’au travers d’immenses événements. Le monde au sein duquel nous nous sommes formés à la vie et à la pensée est un monde foudroyé. Nous vivons comme nous pouvons dans le désordre de ces ruines, ruines elles-mêmes inachevées, ruines qui menacent ruine, et qui nous entourent de circonstances pesantes et formidables, au milieu desquelles le visage pâlissant du passé nous apparaît plus doux et plus délicieux que si le cours indivisible des choses n’eût fait que nous ravir paisiblement quelques dizaines d’années.»

Discours de réception de Paul Valéry à l’Académie française, 23 juin 1927



Extrait des cahiers de Pinocchio, l'Autre

En moi il m'arrivait souvent d'entendre une petite voix qui, je le savais, n'était pas celle de mon maître...
– Cessez de faire l’enfant et passons aux choses sérieuses!
– C'est-à-dire?
– Non à faire... Venez! Reprenons notre voyage.
– Comment pouvez-vous être sûr que ce voyage puisse vraiment avoir lieu ?
– Je ne le saurais jamais et cela m'importe peu.

– Comment allons-nous faire?
– Il nous suffit de mettre un pied devant l’autre.
– N'avez-vous jamais peur de devenir fou ?
– La question pourrait être inversée.
– Alors c'est que vous êtes fou et que je vais l'être aussi..!
– D’après votre façon d'envisager le monde, sûrement...




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