jeudi 23 avril 2020

(23) Profondeurs


« L’ours est parti depuis plusieurs heures maintenant et moi j’attends, j’attends que la brume se dissipe. La steppe est rouge, les mains sont rouges, le visage tuméfié et déchiré ne se ressemble plus. Comme au temps du mythe, c’est l’indistinction qui règne, je suis cette forme incertaine aux traits disparus sous les brèches ouvertes du visage, recouverte d’humeurs et de sang: c’est une naissance puisque ce n’est pas une mort.»

Nastassja Martin, Croire aux fauves, Verticales






Monsieur l'Écrivain

Des complices, Monsieur l’Écrivain, nous étions devenus complices. Dès le moment où, à la recherche de mon bras, vous me fîtes entrer dans cette gueule immonde, nous étions devenus complices. Complices d’un même crime. Le savions-nous? Le saviez-vous? Un crime invisible, certes, presque parfait, certes, mais un crime quand même... un crime que nous allions fuir croyant nous précipiter vers les promesses d’un destin exceptionnel. Exceptionnel, il le fut...Heureux, pas vraiment... Ni pour vous ni pour moi... enfin... pour vous je ne sais pas vraiment... mais pour moi... c’est certain.
Il régnait dans ces profondeurs, malgré les embruns et la puanteur, une lumière qui semblait être produite par elles… Dans ces circonstances penser me détournait de ces sensations atroces... et me donnait quelque peu de courage, enfin je l'espérais... Des complices, Monsieur l’Écrivain, nous étions devenus complices. La pensée tournait en rond dans ma pauvre tête... Sans fin elle venait et repartait... jusqu'à ce que je voie le bout de la corde avec laquelle vous m'aviez attaché, monsieur l'Écrivain...


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