lundi 6 avril 2020

(6) Rien que des mots


« Les accidents du dehors te distraient-ils ? Donne-toi le loisir d’apprendre quelque bonne vérité, et cesse de te laisser emporter par le tourbillon. Évite aussi désormais cet autre égarement. Insensés, en effet, sont ceux qui, à force d’agir, sont fatigués par la vie, et n’ont pas un but où diriger tout leur élan et, tout à la fois, leur pensée tout entière.»

Marc-Aurèle, Pensées pour moi-même 




– Qu'est-ce alors?
– Du bavardage...
– Vous faites une drôle de tête!
– Rappelez-vous!
– Faisons comme si...

– Il y a peu, dans un autre temps...
– Vous voyez!
– Non, je voyais... et, est-ce l'effet d'avoir prononcer le mot bavardage, je vois à nouveau ce qu'autrefois j'entendais!
– Qu'entendiez-vous?

– J'entendais une voix puissante... mais...
– Poursuivez...
– C'est difficile... je comprends mieux maintenant... en fait, la voix puissante je ne l'entendais pas vraiment...
– Comment voulez-vous que je comprenne ce charabia?
– C'est pourtant simple. Dans les profondeurs vers lesquelles je me penchais il n'y avait rien d'autres que des mots. Des mots écris.
– Il n'y avait point d'image?
– Je ne le crois pas... Rien que des mots... jusqu'à ce que...
– Jusqu'à ce que?
– Jusqu'à ce que, issue de la confusion, une voix retentisse.
– Si je comprends bien, ce pourrait être votre voix...
– Presque... Cette voix venait de moi-même, mais ce n'était pas celle de tous les jours. J'eus dû entendre et comprendre qu'elle était liée au mots que je lisais et que par le fait de les lire, littéralement, je l'avais libéré...
– Rappelez-moi. Que disait-elle?
– Elle disait, je cite de mémoire:
Entendez-vous, voyageurs, l’appel du lointain, cette cloche fêlée appelant amoureusement, sous la lourde chaleur de midi, ses fidèles à l’heure du jugement dernier.

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