Oskar Becker
se présentent sous un jour nouveau
délivré de l'emprise de la désillusion
dans la chaude lumière du lendemain.
Lidane Liwl
Édition "À mots rompus"
Un flot de questions se pressent à l'entrée de ma bouche.
– Dites-moi Grand Fanfaron, pourquoi, au lieu de faire preuve de tant de juvéniles ardeurs, qui ne vous font que peu de bien, ne pas faire en public ce que je vous ai vu faire tout à l'heure avec tant de grâce, cette arrivée spectaculaire... ces hommes oiseaux qui
jouent cette musique merveilleuse que vous semblez posséder vous aussi
lorsque vous posez cette baguette si redoutée et que vous manipulez
votre accordéon avec de si grandes caresses? Pourquoi ne pas en faire
profiter un plus grand nombre?
Il planta ses yeux dans les miens et se
pencha vers moi. Je ne le reconnaissais plus.
Je pense que ce fut l'unique occasion où il répondit à ces questions si pressantes.
Roulement de tambour: crescendo.
– Pauvre homme, crois-tu un seul instant que ce que tu crois avoir vu s'est passé réellement?
Un léger frisson courut le long de mon dos. Frottis de cymbale.
– Imagine toi ce qui se passerait si tout ce en quoi tu crois n'était que chimères et vanité?
Je ne me sentais pas très bien. Ma tête allait éclater. Roulement de tambour: assez fort.
– Crois-tu réellement que tout ce que tu as vu s'est réellement passé?
Crois-tu réellement que celui que tu nommes Désiré soit aussi grand que
tu le penses? Crois-tu réellement qu'à ton âge tu sois encore en train
de grandir?
Un seul coup sur le tambour: très fort. Trop fort, trop de question. Ma tête n'est plus là. Violon désaccordé.
Deux
oiseaux se sont posés sur le bord doré de mon assiette et picorent
allègrement. On eut dit une piste où virevoltaient deux oiseaux géants.
Ils se battaient pour le dernier morceau. L'assiette glisse au bord de
la table, tangue dangereusement et tombe. Les éclats s'envolent dans le
même mouvement que les deux oiseaux.
La table est vide. Comment ai-je
pu voir un palais dans cette morne roulotte où j'ai peine à me
retourner et que je puis prendre entièrement entre mes deux bras ?
L'accordéon rend son dernier soupir.
Le
Grand Fanfaron dort à même la table sous laquelle je me fraye un chemin
malaisé. Sans ouvrir les yeux, il marmonna, à mon intention, je
suppose.
- Je ne suis que ce que tu crois que je suis.
Sous le ciel sans étoile, je cours et j'écarte à nouveau les bras dans l'espoir de ne rien y rencontrer.
Le réel et le passé de Don Carotte
se présente sous un jour nouveau
sous l'emprise de la boisson
et du Grand Fanfaron
dans la lumière glauque de son obscure roulotte.
Lidane Liwl
Édition "Les mots disparus"
La première véritable innovation à laquelle je songeais depuis longtemps et que je mis en place fut de plonger les spectateurs dans la nuit la plus profonde. Pendant ce temps, invisible et silencieux, ma tâche consistait à faire monter le Grand Fanfaron sur la partie haute du décor, que j'avais conçu et que nous surnommions: l'Olympe. Ce n’était pas un jeu d’enfant… Le Grand Fanfaron était joué par mon frère Sancho qui, devenu monstrueusement présent, y mettait plus que de l’application. Si, au début, il avait dû faire quelques efforts, très vite il fallut calmer ses ardeurs, tenter de d'alléger ses maladresses et le consoler de ses échecs. Sans résultat d’ailleurs.
La seconde vie de Don Carotte
où l'enfant facétieux va découvrir avec bonheur
les joies de l'éducation.
Lidane Liwl
Edition "Jeunesse & croyance"
Je crus mourir et en un éclair, je parcourus la distance entre la colline où nous étions, tout de même fort éloignée, de là où se trouvait le cirque. Je ne saurais jamais qui, de la force du vent où de celle de Désiré, fut la plus efficace pour ce transport. Toujours est-il que je me retrouvais empêtré, presque inconscient dans la toile du cirque et croyant que celui-ci, sous le choc, se serait effondré... Naturellement il n’en était rien. Ce n’était qu’une petite annexe, suffisante toutefois pour, dans l’état où je me trouvais, me faire croire à plus grand… et même… je n’ose le dire… à une résurrection…
Oswald Ducrot
La longue vie solitaire, authentique,
pensive et quasi hérétique
de l'ingénu Don Carotte, de son frère Sancho,
et de son âne Désiré
qui n'ont guère plus de vingt ans et pourtant,
déjà, une longue histoire devant eux.
Lidane Liwl
Edition "Source hennissante"
La vie lunatique, mélodramatique,
pensive et quasi mystique
de l'ingénu Don Carotte et de son frère Sancho,
qui furent longtemps sans esprit.
Lidane Liwl
Edition "Source illuminée"
....
En attendant... par un secret mouvement de nos pensées s’accordant à ceux de la nature… dans l'urgence et les cahots, nous avions revêtu nos
lourds manteaux d'hiver pour nous protéger des chocs violents. Nous
laissâmes entrer notre brave âne "Désiré" qui venait de voir la mort en
face. Jamais encore il n'était monté sur la scène. Ce fut la première et la
dernière fois qu'il entrait... enfin c'est ce qu’à ce moment là nous croyions... Quand les éléments se furent calmés et, sachant que cela ne finirait jamais, nous
nous mîmes à réfléchir. Il était temps de faire preuve de sens pratique. Sans moyen de nous retirer de cette vigilance à laquelle notre auteur nous a condamné, nous enlevâmes nos manteaux et c'est en costume de scène que je pris
les choses en main. Mon frère se hissa tant bien que mal sur mes pieds
et tentait de garder son équilibre grâce à des mouvements de bras que je
lui enseignais rapidement et qui rappelaient ceux des oiseaux. Je ne
pouvais les porter tous les trois. "Désiré" prit place sur le dos de mon
frère pour me ménager, et accepta de mauvais gré de prendre notre petit
chien sur le sien... À peine furent-ils installés que notre théâtre,
privé de soutien, promis au faste, commença sa longue et vertigineuse chute vers les cendres...
La vie théâtrale, mélodramatique,
déséquilibrée et quelquefois cosmique
de l'ingénu Don Carotte et de son frère Sancho,
qui furent comédiens, bien que désormais sans théâtre.
Lidane Liwl