mardi 21 août 2018

(21) Ressenti






– L'avez-vous vu tomber?
– De qui parlez-vous?
– De l'homme que Don Carotte, dans ses cahiers, appelle "Le Grimpion".
– Je ne vois pas... et je n'ai rien vu... enfin presque...
– Savez-vous ce que me disait mon maître?
– Il faut obtenir du lecteur qu'il regarde et non qu'il se contente voir...
– Si je regarde das ma mémoire, il y a bien eu ce léger coup de vent qui a fait tomber une chaise, mais c'est tout... Je ne me formalise plus pour si peu. Autrefois, lorsque je n'étais encore qu'un enfant, certes j'aurais eu peur, mais maintenant...
– Vous n'avez rien éprouvé?
– Non, enfin... presque rien... un léger tressaillement invisible...
 – N'est-ce pas justement une sorte de ressenti dû à la chute de ce fauteuil?
– Non, je ne crois pas...
– Qu’est-ce alors?
– C’est ce que vous avez pensé...

– Comment cela?
– Dès le moment où j'ai vu que vous aviez eu peur, alors j'ai ressenti, par empathie, ce léger tressaillement.
– N’est-ce pas la même chose ?

– Cela ne me métamorphose pas pour autant en ce que vous êtes ou ce que vous étiez. Point du tout. C'est votre pensée qui a agi sur votre corps. 
– Mais votre corps n'a-t'il point, lui aussi, tressailli?
– Oui, comme un miroir...
– La pensée ne vient-elle pas après le ressenti qui lui est presque immédiat...

– Il y a bien souvent une sorte de perversion du ressenti qui se met à l’œuvre dans la pensée...
– Pourquoi?
– Pour que,
au-delà des idées préconçues, la pensée soit fidèle...
– Fidèle à quoi?
– C’est là toute la question...



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