jeudi 7 décembre 2017

Interprétation



" Dire «le Livre est une bouche» implique une relation intime et réciproque entre l'écrit et la bouche. Le livre est Livre s'il est l'origine de l'ouverture de la bouche, s'il est créateur, générateur de parole. Une bouche ne parle, la parole ne parle que si elles sont créatrices de sens. La création de sens se dit en hébreu "hidouch". La parole que doit prononcer la «bouche du Livre» est nécessairement un "hidouch", une parole parlante ou, selon une formule de Ricoeur, une innovation sémantique."

Bibliothérapie, Marc-Alain Ouaknin, Points



Entre midi et minuit, le soleil disparait à l'horizon après une belle journée. Reniflant les effluves de douces odeurs dignes d'un été finissant, deux marionnettes, toute semblable à Pinocchio, l'Autre, soignées et remises sur pieds par Nounours, découvrent, au seuil de la nuit, quelques fondements du monde de l'humanité dont ils ne font pas encore partie. C'est pour cela qu'ils ne craignent guère l'animal monstrueux qui se montre au couchant.

– Ne le répétez pas trop! C'est... comment dire... l'ancêtre de notre Bien-Aimé Bienfaiteur...
– Pourquoi cette hésitation?
– Parce qu'en fait le mot ancêtre n'est pas vraiment adéquat.
– Pourquoi cela?
– Parce qu'il implique un passé et qu'il est présent...
– Je n'ai pas vraiment compris, mais il sent mauvais quand il ouvre sa grande gueule...
– Le dire ainsi est une chose, le faire ressentir en est une autre... sans oublier que penser est encore une autre chose... mais qui ne peut se délier des deux premières, dans le désordre...
– Cela, je l'entends...
– Je voulais juste vous dire que cette odeur n'est pas plus mauvaise que celle que... quand, sortant de l'intérieur de vous-même, vous aurez découvert la joie du rassasiement, de la faim peut-être. Ce jour-là vous serez devenu homme et découvrirez ce qui restera de votre repas, une fois qu'il aura été digéré... À chaque jour sa ration...
– Beurk!
– Soyez sans crainte, on se fait à tout.
– Vous insinuez que l'on s'habitue aux puanteurs. Celle que je sens et celles que je ne connais pas encore.
– Oui, mais celle que vous pensez ne pas connaître, vous la connaissez déjà...
– Comment cela?
– Celle que vous avez découvert dans la gueule du monstre est la même que celle qui sera vôtre. Seul le degré change...



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