vendredi 24 novembre 2017

Le gémissement de tout un peuple



Rosencrantz

– Une existence isolée et particulière est tenue de se couvrir de
toute, la puissante armure de l’âme contre le malheur ; à plus forte raison une vie au souffle de laquelle sont suspendues et liées tant d’autres existences. Le décès d’une Majesté n’est pas la mort d’un seul : comme l’abîme, elle attire à elle ce qui est près d’elle. C’est une roue colossale fixée sur le sommet de la plus haute montagne, et dont dix mille menus morceaux, adaptés et joints, forment les rayons gigantesques : quand elle tombe, tous ces petits fragments sont, par une conséquence minime, entraînés dans sa ruine bruyante. Un roi ne rend jamais le dernier soupir que dans le gémissement de tout un peuple.

Le Roi

Équipez­-vous, je vous prie, pour ce pressant voyage; car nous voulons enchaîner cet épouvantail qui va maintenant d’un pas trop libre. 

Hamlet, William Shakespeare


En pleine réorganisation, un petit groupe s’était donné pour tâche de jeter un regard critique leurs propres actions. Faisant fi de toute autorité, ses membres se livrèrent notamment à une critique de la politique d'éducation qu’ils percevaient comme une continuation forcée de la politique d’assimilation:

– Nous ne voulons plus être de simples marionnettes. Ce que nous désirons le plus est la liberté. Cette même liberté que jusqu'ici nous chantions en sacrifiant ce que nous étions au profit de nos maîtres.

Mais au sein du groupe, la lutte faisait rage et le débat des plus ardents... L'unanimité ne régnait pas, et de très loin et, pour certains, le questionnement n'eut  pas dû dépasser une certaine limite.

Nous ne voudrions pas brandir l'épouvantail du chaos comme jusqu'ici nous l'avons été, mais, une question en entraînant une autre, l'ordre du monde, celui de notre monde, pourrait, encore une fois, se retrouver menacé... Tenons nous en à ce que l'on nous a enseigné!

– Pour nous retrouver à cette même place que nous venons de quitter... 

La nature est impitoyable, chacun le sait, et c'est ainsi que, lentement, le chemin qui eut dû être nouveau, à force d'habitude, s'est mis à ressembler étrangement à celui, bien connu, qui mène aux origines... et à la pyramide des pouvoirs. La science des uns n'est pas la force des autres et le miroir sépare des mondes qui ne s'entendent pas. Ils ont beau avoir la même image ils ne racontent pas la même histoire... Si chacun, pour un temps, avait pris ses responsabilités en leurs propres mains, il ne fallut guère longtemps pour qu'en chacun renaisse cette douceur de vivre sans responsabilité. La quiétude du savoir enseigné et la nostalgie des chefs se fit sentir. Ceux-ci n'en demandaient point tant. Ils allaient bientôt pouvoir parader comme des sauveurs... et pour le coup devenir vraiment à l'image de leurs maîtres qu'ils n'avaient nullement cessé de voir... en secret.






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