lundi 21 décembre 2015

21 décembre (144) Toute fin est aussi...

Épisode 143

«La dernière place appartint à l'onde, qui, s'étendant mollement autour de la terre, l'embrassa de toutes parts.»

Ovide, Métamorphoses, Livre 1
 
 
Cher Justin
Mes liens s'étaient défaits tout seuls. Comment? Je n'en sais rien. Vous imaginez ma surprise? Tant bien que mal, je rejoignis Julius et jetais un regard curieux par le soupirail. Je n'y voyais rien.

Julius me voyant si désemparé vint à mon secours :

– Au dehors, tout est calme et tout s'agite selon les rituels habituels. Personne ne peut vous entendre, personne ne veut voire ce que vous voyez, Baruch.

– Pourquoi me dis-tu cela Julius? D'autant plus que je n'y vois rien.
– Parce que c'est une sorte de vérité. Il faudra vous y faire. Le temps va vous aider.
– ...
– Disons que c'est vérifiable, si vous préférez la nuance.

– En ce moment ce ne sont pas les nuances qui m'intéressent.
– La vérité la plus simple est que ce sont "eux" qui allument les projecteurs.


Dans la main de l'enfant, une petite lumière vacille qui fait trembler son bras.
La cour dans laquelle j'avais été enfermé s'ouvrait vers le ciel. De lourds nuages se reflétaient dans les petites flaques irisées et se mêlaient aux odeurs âcres de la poussière humide, des matériaux à moitié décomposés et des fluides aux origines inconnues.
C'est à haute voix que je pensais. De toutes manières cet enfant lisait dans mes pensées. J'en étais certain.
– Il va pleuvoir. Sans abri, à la merci du ciel, il va falloir que j'accepte l'invitation de Julius.
Baruch, en se contorsionnant péniblement, entre dans l'obscurité du soupirail. Au passage son manteau se déchire et l'un des barreaux corrompu par la rouille, se rompt. Une profonde entaille, court de la poitrine jusqu'au nombril. C'est à moitié nu et les mains pleines de sang qu'il entre dans l'obscurité. Mon sang ne circule plus qu'à l'extérieur pendant que l'intérieur se vide et retourne à la terre.
Mes jambes se dérobèrent, cher Justin. Inutile de vous dire que je n'en menais pas large.
Je m’accroupis retenant de mes mains une part invisible de moi-même.
– À mes pieds je me répands. Le sang, miroir rougeoyant me renvoie mon image. Elle ne saurait être vue sans qu'elle annonce une fin prochaine.
Julius, sans émotion apparente, le plus calmement du monde, comme si tout allait de soi:
– Toute fin est aussi un début. Tout dépend des mots que vous allez employer...

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