dimanche 6 décembre 2015

Dans les ruines du Salon Rouge (127)

Épisode 127



Très cher Joachim... ou Justin* si vous préférez
Je ne devrais pas jouer avec votre nom! Est-ce bien moi qui joue, Très Cher Justin? Devrais-je avoir peur de vous? Laissons ce petit jeu infantile et reprenons: je me demandais si ce que je pensais avoir entraperçu hier était vrai. Malheureusement je crois qu'aujourd'hui je peux en être sûr en regardant le document que vous m'avez envoyé: Auguste mon fidèle perroquet a été retrouvé gisant dans les ruines du quartier du Salon Rouge. Oui c'est vrai moi aussi je portais un autre nom en ce temps là... Vous pouvez le divulguer, Très Cher J...ustin. Au point où j'en suis, je n'ai plus grand chose de pire à craindre. C'en est presque reposant Justin. Sans ironie, vous devriez peut-être essayer... Dois-je penser que vous  êtes pour quelque chose au sujet de mon ami perroquet? Vous m'affirmez que non. J'ai de la peine à le croire et pourtant ma raison me dit que vous n'auriez pas eu intérêt de perdre l'unique témoin de notre correspondance... Comment? Que me dites-vous? Il est mal en point, mais vivant... Il porterait les même blessures que le corps retrouvé sur l'île? Comment cela? Je vous en prie, dites m'en un peu plus... Comment? Je devrais vous dire où je me trouve. Ce serait cher payer, mais je l'aurais fait si c'était en mon pouvoir... Il se trouve que je ne sais pas où je me trouve... Non, inutile de protester et de vous fâcher, c'est pure vérité. J'ai depuis fort longtemps perdu le sens de l'orientation... Au sens strict du mot, je suis perdu. Enfin, vous le savez bien, l'homme n'est pas fait d'un seul tenant. Il se trouve, si j'ose dire en l’occurrence, que la part de moi-même que je sais perdue et que je cherche, a, de son côté la même sensation... Comment puis-je le savoir? Cela vous le savez aussi, nous en avions, autrefois, longuement disserté. Je sais nous n'étions guère d'accord. Vous avez toujours été réfractaire à creuser du côté de la mémoire... Toujours est-il que c'est avec cette part invisible que je m'oriente tant bien que mal... Je suis obligé de lui faire confiance. Une confiance aveugle? Dites-vous. Par force: oui. Il faut bien s'accrocher à quelque chose quand votre famille vous a lâché!
Une question demeure, qui, en l'absence d'Auguste, a fait le messager?

* Autrefois, presque dans une autre vie, en tous cas plus d'une année de cela... rappelez-vous que dans leur monde une année en vaut bien plus... Joachim et son correspondant étaient d'inséparables compagnons. Pour des raisons assez évidentes pour eux et encore très obscures pour nous, ils durent changer de nom.



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