mercredi 23 décembre 2015

23 décembre (147) Au sein du nombre

Épisode 147

« Nous, les secrets vengeurs de l'Éternel, les juges implacables des crimes et les protecteurs de l’innocence, faisons aujourd’hui serment de citer à comparaître devant le tribunal de Dieu ceux que nous jugerons dignes.
Les cinq hommes vêtus de noir, le visage partiellement masqué, se levèrent et formèrent un cercle parfait autour du grand maître. À tour de rôle ils déclarèrent:
– Sur la Sainte-Vehme, nous prenons exemple.
– L'archange Raphaël guidera nos pas.
– Par souci du bien commun, nous agirons.
– Pour en finir avec ce monde de ténèbres.
– Pour que l'homme cesse d'être un loup pour l^homme.
– Le feu, le fer et la corde seront nos armes.
Ils firent silence. L'émotion les étreignait. Leurs efforts portaient enfin leurs fruits.»

De sang et d'or
Michèle Barrière
 
 
Cher Justin
Je vous adresse ces quelques mots en même temps que je formule pour vous tous mes vœux les plus authentiques d'un véritable rétablissement, et, croyez-moi Justin, j'étais prêt à venir de moi-même vous "rendre visite" et à vous les présenter de vive voix. Pourquoi ne l'ais-je pas fait? J'étais sur le départ quand, par le plus grand des hasard, j'appris qu'Auguste, mon perroquet bien-aimé, était soigné à trois pas d'ici. Naturellement, comme vous pouvez l'imaginer aisément je suis redevenu au mode "qui-vive". Je vous écris en marchant et en ayant soin de ne laisser aucune trace. Dans la rue comme dans mes écrits. Un peu vain? Sans doute, tel que j'ai appris à vous connaître... Mais seulement un peu... Ainsi je me suis remis à passer au peigne fin tout ce que je vous dis. J'ai commis l'erreur de penser que ma capture était à considérer comme chose faite dès le moment que vous teniez Auguste prisonnier. C'est ainsi que vous êtes arrivé jusqu'à la chambre Bleue où  fort heureusement je n'étais pas et au Salon Rouge où fort heureusement je n'étais plus... C'était une erreur de votre part et c'était sans compter sur la rage de vivre de ce volatil surprenant. Ainsi s'est-il évadé! Tout comme moi... On l'a retrouvé étendu dans les décombres incandescents de la Chambre Bleue. Il était vivant en dépit du bon sens. Vous devez être furieux... Cependant, on m'a dit qu'il n'était pas en état de me parler. Vous l'auriez "cuisiné" que... Non? Vous dites que ce n'est pas vous qui lui avez causé les blessures les plus profondes! Comment cela? Est-ce un demi-aveu? Je n'en crois pas mes oreilles... Vous l'avez soigné avec "bienveillance" et les blessure que je pourrais voir ne sont pas votre fait?  Oups... Le mot "bienveillance" m'a échappé, pardonnez-moi comme vous le pardonneriez à quiconque oserait vous offenser. Je vous rassure, dans ma bouche, ce n'était pas une offense... Vous ne désirez plus parler de cela! C'est dommage. Par ailleurs je suis au courant de ce qu'a raconté Auguste. Comment cela? Qui? C'est votre perroquet qui me l'a dit... Oups, voilà votre perroquet grillé, si j'ose dire. Il ne l'a pas fait exprès, je vous assure. Je l'ai entendu, tout comme vous, à l'insu de mon plein gré... Mais j'ai bien compris ce qu'il a dit ce n'était pas à vous qu'il s'adressait. Comment? Vous et vos ministre ne font qu'un! L'un ou l'autre, c'est pareil! Je comprend, ou plutôt je ne peux comprendre et il faudra bien qu'un jour nous reparlions de cela... Un jour où vous seriez calme, cela s'entend...
En fait, à une certaine époque, bien lointaine, j'avais bien pensé à discuter de la vanité de certains de nos comportements et de tout ce qui, selon moi, ne pourrait être achevé, mais déjà cet emportement dont vous venez de faire preuve et surtout de ce silence méprisant m'avaient déjà fait penser qu'une rupture serait inévitable. Je m'étais portant laissé persuadé qu'il ne s'agissait que d'une légère broutille due à cette faculté qui serait mienne, d’exagérer en toutes choses... Comment? C'est un point de vue? Certainement mais depuis ce jour, la censure et une interminable liste de règlements qui se nourrissent les uns les autres s'est abattue sur nous limitant considérablement les points de vue possibles... Au sein du nombre l'un se perd. Pensant à tout cela, j'étais accroupi dans l'obscurité et je vis, comme dans un rêve, clairement son esprit se disperser. Je peinais à réguler mes pensées. Des pensées qui m'envahissaient à mesure que je sentais mon corps se vider. Il y a quelques jours, cela et ces instants me revinrent en mémoire. Je revis ces regard, votre regard, et je cherchais sans répit un lieu stable sur lequel je puisse me poser. Le doute, dont pourtant je connaissais les ruses tout autant que les vôtres s'était posé sur moi.
– Je suis assis ici tout autant que je suis dehors, suivant les flèches des ruelles infinies et tortueuses qui marquent un chemin dont je ne sais si c'est le mien.
Vous ne devriez pas sourire, très cher Justin, cela ne vous embellit point. J'ai vu passer la meute. Votre meute. Bien loin de l'horizon et surtout bien loin d'un horizon d'attente. Cinq chiens bleus de la tête aux pieds, excepté, pour certains si j'ai bien vu, l’extrémité des pattes qui sont blanches. À moins que ce ne soit un jeu de lumière. Un de ces reflets dont on ne maitrise point l'origine et qui se joue de nous au gré des reflets et des miroirs. Vous pensez que je délire et que je serai bientôt à point... Il se peut que vous vous trompiez. Vous peinez à lire mes lettres et vous n'en comprenez aucun sens, si pour autant il en avait! Il vous suffirait pourtant, et en cela que je mets tous mes espoirs. Peut-être vous aiderais-je en vous donnant quelques précisions: d’observer le mode de progression et la nature particulière du mode de lecture qu’elles requièrent pour vous en convaincre. Vous souriez d'un air fatigué qui me font penser que vous ne tirerez pas grand-chose de cette lecture dont la matière semble vous paraitre totalement étrangère, ce qui n'est pas le moindre des paradoxes...
Autant vous le dire, au sourire, je préfère, et de très loin le rire que vous n'aimez point...

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