mardi 22 décembre 2015

22 décembre (146) Jactance et bienveillance

Épisode 146

– Pourquoi faudrait-il analyser les messages que nous recevons?

Donnant, donnant...
je vous le raconterai quand vous m'aurez
 conté votre histoire... 
C'est ce que vous me disiez hier...

– Je m'en souviens fort bien, cher Auguste, mais hier est un autre jour et il se trouve que l'actualité
 me pousse à vous interroger sur point délicat...
Seriez-vous d'accord de m'aider?
– Cher Justin, vous devriez le savoir, tout dépend du sujet que vous allez évoquer et de ce que je puis en dire à la lumière de mes petites connaissances...
– Ne soyez pas trop modeste, j'ai appris à vous connaître et je vous l'avoue il m'arrive d'être fort surpris.
Pour en venir au sujet de ce qui me préoccupe, vous le savez sûrement, nous sommes en période de vœux. C'est-à-dire que les êtres "humains" comme ils disent, une fois venue la fin de l'année se disent et s'écrivent des formules de politesse le plus souvent charmantes et quelques fois "bienveillantes" à propos de leur santé, prospérité et bonheur...
– Qu'est-ce que c'est que "bienveillant"?
– C'est justement le centre de ce dont je vais vous entretenir de telles façons que vous puissiez, à partir de vos propres conclusions, me donner quelque conseil.
Il y a quelques heures, avant d'avoir l'heureuse et bienveillante surprise de votre rencontre, j'étais avec mon maître et je répétais avec ardeur ce qu'il essayait de me me faire mémoriser. Il insistait pour qu'il n'y ait aucune place pour la moindre déformation de ses propos qu'il me faudrait rapporter à votre maître. La difficulté provenait du fait qu'il me demandait de réciter, non ce qu'il disait, mais ce que l'on lui avait dit et qu'à son tour il me répétait. C'était assez compliqué et plus encore encore par le fait que, tout comme nous... ou peut-être est-ce l'inverse, ce humains, comme ils disent, parlent beaucoup.
Donc mon maître avait reçu des vœux. Chose banale s'il en fut. Cependant, ce qui mobilisait son attention était un sentiment diffus. Le sentiment que ce qu'il entendait contenait un sens qui ne lui apparaissait pas très clairement... ou plutôt, me disait-il, c'est l'inverse:
il lui paraissait très clairement que le contenu du message de vœux n'était soit pas très clair ou du moins qu'il pouvait exprimer quelque chose de plus qui n'allait pas tout-à-fait dans le même sens... si j'ose dire...
– Peut-être serait-ce plus simple pour moi que vous commenciez par le début et que vous m'énonciez ce dont parlais ce message!
– Vous avez entièrement raison. Le message parlait du "don de bienveillance".
– Ah! Je comprends pourquoi vous me disiez que c'est compliqué! Tout le monde n'est pas né avec les mêmes dons!
– Justement, ce n'est pas vraiment de don inné qu'il s'agit. Mais de l'action de donner que l'on apprend à mettre en œuvre, comme le dit mon très respectable maître. C'est très différent. Et en l’occurrence il s'agissait de donner sa" bienveillance".
– Qui donne à qui? Et puis est-ce que, dans ce cas, on donne tout? Et alors il ne nous reste plus rien...
– Tout de suite les questions compliquées... Justement c'est pour une part ce que je voulais discuter avec vous. Si je vous dis:

"Faire don à l'autre
De sa bienveillance
Nous est rendu par la vie"

Qu'entendez-vous, lorsque je vous dit ces mots avec toute la considération qu'il convient?
– La même chose que vous!
– Ce que j'aimerais savoir c'est ce que vous comprenez par cette belle formule!
– Tout d'abord il faudrait que je sache qui est "l'autre"! Le savez-vous?
– Pas plus que vous, mais je suppose que cela s'adresse à tout-le-monde.
– Ces vœux s'adressent donc à tout le monde! Ils sont universels! Cependant , si j'ose dire, ce ne sont pas des vœux...
– Qu'est-ce alors!
– C'est un constat. Une information, tout au plus. Il n'est pas dit que quelqu'un souhaite à un autre de "faire don à l'autre"... ou alors c'est sous-entendu...
– Laissez-moi vous dire la suite:

"Faire don à l'autre
De sa bienveillance
Nous est rendu par la vie
Sous la forme d'un
Remède miraculeux :
 La joie de la bienveillance"

– C'est beau! Mais si c'est un vœu, d'après le peu que je comprend, c'est un vœu curieux.
– Et pourquoi cela?
– Excusez-moi si je vais être un peu long, lent, mais surtout raisonnable. Il se pourrait que cela vaille la peine d'y consacrer un peu de temps. Tout d'abord je vais considérer ces mots sous un angle banal. C'est-à-dire sans que mon cerveau ne se mette à trop réfléchir comme disent nos maîtres bien-aimés. Je résume:
Quelqu'un souhaite à un autre, votre maître par exemple, de recevoir... ou de donner? Voyez comme c'est compliqué de simplifier... Non je recommence:
Quelqu'un souhaite à un autre d'avoir le don de donner à l'autre "sa" bienveillance. Donc il possède, si j'ose dire, la bienveillance. Il la donne, il l'offre et il explique pourquoi: parce qu'en donnant il va recevoir. Quoi? Il va recevoir un remède. Pas n'importe quel remède: un remède miraculeux. Et quel sera ce remède? La joie de la bienveillance dont je rappelle, au passage, qu'il l'avait déjà puisqu'il peut en faire le don! Passons sur cette possible incongruité et réfléchissons plus avant: Pourquoi,ce quelqu'un souhaite-t-il à un autre de faire don à un autre? Vous pouvez voir assez clairement l'enchaînement mais pas encore la cause!
Cette cause, si je n'ai pas l'esprit trop vif, pourrait être un certain manque. Après tout lorsque vous souhaitez quelque chose à quelqu'un, c'est bien parce qu'il est des plus probable que vous pensez qu'il est en manque!
Sinon pourquoi émettre un tel vœu?
Et là nous allons quitter les vicissitudes de la forme ou de l'énoncé pour plonger dans les profondeurs ou les bas-fonds abyssaux des sentiments humains:
Un tel est en manque, je souffre de le voir ainsi et pour son bien, je lui souhaite avec bienveillance d'être comme moi! Joyeux comme moi que la vie récompense d'une joie presqu'indicible.
Peut-il se réjouir celui qui voit le manque de l'autre?
Simplifions: celui qui dit  à son prochain qu'il est "en manque" est-il bienveillant?

– Permettez que je participe au débat puisque tel était votre demande...
Ne croyez-vous pas que vous êtes en train de justifier le don qui vous est souhaité. Je dis vous parce que je vous rappelle que le vœu, ou le vœu supposé comme tel, en vertu de la coutume de fin d'année, ces vœux étaient adressés à l'ensemble de l'humanité!
– Il se peut que vous ayez raison... Cependant même là il se pourrait qu'il y ait anguille sous roche...
– Qu'est-ce là! Vous me fatiguez avec vos sous-entendus et je ne suis pas loin de penser que, après tout, une certaine dose de bienveillance vous serait peut-être utile et ne vous ferait aucun mal...
– Comme elle ne ferait aucun mal à personne! Mais de quoi avez-vous peur de la longueur du raisonnement ou de ce qu'il contient. Contenance que l'on a vite fait de qualifier de malveillance sans même qu'il soit nécessaire de prononcer le mot !
Je n'ai absolument pas terminé mais vous vous en rendez compte, votre esprit fatigue et je dois recevoir des soins... je veille depuis déjà bien trop longtemps, mais revenez demain et je vous poserai d'autres questions. Et s'il nous reste un peu de temps nous reprendrons notre récit.
– Encore, n'est pas suffisant comme cela?
– Nous ne sommes qu'au milieu du gué... et un crue s'annonce.  Il faudra bien, d'une manière ou d'une autre, retrouver une des rives... Que pensiez-vous qu'il faille faire en ce cas.
– Je crois que vous devriez vous taire, faire silence en quelque sorte.
– N'est- pas là faire preuve de mépris?
– Il est inutile de dire ce qui ne peut être entendu à celui qui ne sait de toute manière pas entendre...
– Est-ce là un silence ou une bienveillance?
– Rien de tout cela. Une simple constatation que nous devrions garder dans le secret de nos cœurs.
– Vous avez raison... Heureusement que nous sommes seuls et que personne ne peut nous entendre.



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