dimanche 27 août 2017

Comme le temps passe



"Qui nous fait venir de nuit en ce lieu étrange?
Le Grand Prêtre vous demande.
Ismaël!
Mes frères!
Horreur, va-t'en!
– J'implore votre pitié!
– Le Seigneur t'a maudit!
Le vent porte une plainte amère à ses oreilles impies.
Sur son front luit comme l'éclair la marque fatale d'infamie.
En vain il boit le poison ou plonge la lame en son sein."*



Le temps passe, se trouve, semble se perdre, ne se rattrape ni ne se retrouve, c'est ce qui se dit et semble pouvoir être constaté. Difficile de dire le contraire en joignant le geste à la parole...

Des problèmes bureaucratiques, forcément, au sein de ce qui reste du condominium des membres Fondateurs, interdit au commun des mortels et des sans-grades, ont volontairement ralenti le processus d'Union qui pourtant les concerne au premier chef. Point n'est besoin d'avoir le regard, l'analyse ou l'esprit acéré pour le savoir. Qui perd gagne est un jeu bien étrange. Et l'on peut se demander si ce n'est pas le jeu dans son essence, avec l'inaliénable masculinité du mess des officiers au nom de "l'Avaton": frontière infranchissable à la moitié du ciel, la moitié de l'humanité, sol sacré aussi nomade soit-il face aux dieux qu'ils invitent et inventent, qui formeraient le socle de cette Union.
Finalement, comme sur le Titanic et comme le dit le Cap'tain dont l'ombre dissimule celle du Grand Commandeur:

– " Soyons positifs, en avant toute mes gaillards! La survie est à ce prix! Au regard du péril dans lequel certaines absences met le bateau"...

Peu importe le feu dans les profondeurs inatteignables du cargo, si personne n'y prend garde et ne lui accorde son dernier souffle, il finira bien par s'épuiser lui-même.

Tout ceci ne serait rien, si la modestie, pourtant de rigueur dans leurs préceptes, ne retenaient leurs élans et leur fasse voir que ce n'est point en se coupant du monde que l'inconduite morale est vaincue. Ce n'est point par le célibat et la soumission à "l'Avaton" que la traversée et l'union aie la moindre chance de se faire.
Le temps de la rentrée approchant à grands pas, le projet de restauration du bateau aurait été approuvé: un accord serait en phase terminale. Rien de surprenant, pour embarquer des visiteurs le bateau devrait être bientôt mis à quai, décors entièrement refaits. Reste que l'équipage, peu enclin à obéir à un nouveau despote, est un peu juste et nul ne sait qui viendrait le renforcer... ou le remplacer. Cependant, en pleine traversée, c'est la nature qui danse sur le pont au même moment que, hors du temps, dans les ors fatigués des anciens salons  se donnent en spectacle aux spectateurs ébaubis le prestige des médailles, le bruissement des cordons, la caresse des gants blancs ou le couinement des souliers vernis au rythme d'une valse à trois temps. Pourtant c'est dans la soute, sous le ciel, hors des salons, main dans la main que la manœuvre se fait. On sait de "source peu sûre" que le Cap'tain œuvre en ce sens. Plutôt que de réunir ce qui se peut encore dans ses propres rangs, il cherche ailleurs ceux qu'il dit être éparpillés. Ainsi se formerait un ensemble, une principauté qu' il serait sûr de contrôler et se mure dans le silence béat et sourd de sa "bienveillance" principière... ou princière. Selon la suite que l'on a dans les idées.

* Nabucco, Verdi 



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