vendredi 3 août 2018

(3) La Grande Fête des Perroquets


" Au spectacle effrayant de leurs cendres fumantes    
Direz-vous c'est l'effet des éternelles lois    
Qui d'un dieu libre et bon nécessitent le choix    
Direz-vous, en voyant cet amas de victimes    
Dieu s'est vengé, leur mort est le prix de leurs crimes."


Voltaire




Cent-cinquantième rapport de Don Carotte
Extrait du Grand Cahier Rouge


Ce jour-là, le lendemain de la Grande Fête des Perroquets, j'observais avec attention deux de ces psittacidés devisant sur leurs branches. J'étais encore sous l'influence de ce que j'avais vu et entendu la veille et plus encore par ce que j'avais ressenti, mais je me dois de dire que ce que j'entendais alors et qui est relaté ci-dessous m'impressionna beaucoup plus que je ne saurai le dire.
Je ne sais quelle avait été la question, mais la réponse fut:
– Pour la dernière fois, peut-être.

J'avoue que le mystère de la question manquante m'avait probablement mis en un état second... qui fit que ce que j'entendais n'était plus une simple conversation entre perroquet. C'est aussi probablement ce qui mis en quelque sorte le feu aux poudres... mais j'anticipe quelque peu. Revenons aux perroquets.

– Si cela était, je mourrais sans les avoir jamais vues.
– Comment cela ?
– Je suis aveugle et vous ne vous en êtes jamais aperçu.
– Comment l’aurais-je pu et comment puis-je être sûr que vous l’êtes ?
– Je le sais. Cependant, je vous ferais gentiment remarquer que, pour quelqu’un d’attentif, chaque jour jour qui passe diminue régulièrement et ce malgré l’arrestation. Il semble que ce ne soit qu’un vulgaire mouton et qu’il n’ait, en conformité avec le caractère de ses congénères, opposé aucune résistance à son arrestation. Il semble même avoir pris plaisir à ce qu’il considérerait comme un voyage.

 
La profondeur des propos me consolait de mon ignorance et rendait quasiment visible la profondeur de l’absence.


– Nous conversons. Fort bien. Mais imaginez un instant que l’on nous écoute...


Avais-je été apperçu?

– Si tel était le cas il se peut que pour cet intrus nos paroles apparaissent comme totalement hermétique et surtout quelque peu décousues. Un dialogue de sourds en quelque sorte... Mais... vous me paraissez absent. M’entendez-vous? L’irrésistible force de la curiosité, mêlée à celle d’une raison inconnue, s’incite elle-même, se vivifie entièrement jusqu’à ce qu’une décision irrémédiable soit prise.
– J’ai quelque chose à faire qui ne souffre de perdre du temps.

– À propos, savez-vous que l’on a arrêté le voleur de temps?
– C'est ce qui se dit... Mais c'est probablement le résultat d'une éclectique méditation, résultat de l’emploi incomplet, tentant et délictueux de cette si vivante faculté d’empathie...


De qui parlaient-ils? De quel événement s'agissait-il? Je n'en savais rien...

– Qu’en est-il de cette catastrophe dont vous m’avez parlé?

La réponse fuse d’autant plus qu’elle paraît inadaptée.

– Je comprends mieux pourquoi le roi n’apparaît plus. C’est grande chance que les carottes nous aient été données.
– Je ne comprends presque rien à ce que vous me dîtes et je dois avouer, sauf votre respect, que cela m’excite tout autant que cela m’irrite.

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