samedi 8 juin 2019

(8) De tous temps



– Que ne suis-je resté comme ce petit perroquet, qui n'était pas grand-chose et que mon maître caressait avec bonté. Je ressentais les caresses qu'il donnait comme si c'était à moi qu'elles étaient adressées... Il en était ainsi tant que nous restions à notre place... lui à la sienne et moi à la mienne... et puis le temps est passé et notre maître, que nous croyions endormi à ce moment là, nous a corrigé d'un air las avec, en plus, un petit quelque chose d'indéfini:
– "Ce n'est point le temps qui passe... c'est..."
Il ne finit point sa phrase. Il s'était rendormi. Mais ce petit quelque chose que j'avais perçu m'avait alerté sans que je puisse alors y mettre les mots qu'il eût fallu.
– Rien ne permet de l'affirmer, mais la sensation du temps qui "passe" est quand même une "chose" étrange... et le mot "chose" prend tout son sens et toute son absurdité quand on y réfléchit. En effet, rien ne me semble plus éloigné de la notion de temps que le mot chose. Le temps peut-il être pris? Comme dans l'expression "prendre son temps", ou "perdre son temps". On voit que, dans le langage, non seulement on pourrait "prendre" le temps, mais aussi on pourrait le faire sien, le posséder ou le perdre! De plus il y aurait un temps "bien à soi" et un autre qui est "leur temps"...
– Quand on le leur fait perdre, par exemple.
– Ou qu'ils n'en ont pas... ce qui semble être une absurdité...
"De tous temps" ressemble à un infini morcelé  dont la somme dépasserait largement les parties si toutefois il pouvait, d'une manière ou d'une autre, être envisagé...

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