samedi 15 juin 2019

(15) Parenthèse



« Si nous sommes tournés vers le futur, nous n'avons qu'une faible idée de ce qu'il est. Chez nous, c'est le futur proche et non celui des hindous qui enveloppe plusieurs générations. Évidemment, la perspective que nous en avons permet d'éviter la mise en œuvre de bons nombres de projets, du genre "programme de restauration, s'étendant sur un siècle et demi et nécessitant l'aide et les fonds publics. [...] Pour nous , "longtemps" c'est tout et rien –dix ans ou vingt ans, deux ou trois mois, quelques semaines ou même quelques jours. Par contre l'Asiatique considère que des milliers d'années, ou même une période illimitée, définissent parfaitement bien le concept "longtemps".»

Edward T. Hall, le langage silencieux, Points, p.25



Sept-cents-quarante-sixième rapport de Don Carotte
Extrait du Cahier Noir aux feuillets dorés sur tranche

C'est un curieux souvenir que je relaterai ici. Le souvenir d'une absence qui reste comme une présence. Je puis vaguement le situer dans le temps si je fais confiance au dessin que je fis alors, mais sans plus vu que le texte qui l'accompagnait a été presque totalement effacé... De plus, je sais combien la distance peut être grande entre l'objet et son image.
En un instant, je ne sais plus vraiment quand, ma tête s’était vidée. Comment et pourquoi cela se fit, je ne l’ai jamais su. Un silence inquiétant dans le vide s’était installé. Rien ne pouvait être aussi déstabilisant, mais cela me permit, aussi curieux que cela me paraisse aujourd’hui, de prier, de parler et même de crier sans retenue en guidant avec fermeté cette énergie mauvaise qui n’eut, vidée de sa substance, plus rien à me faire dire. Je me laissais aller à la douce caresse de certains souvenirs incertains dont je feuilletais l’album. Je n’eus pas dû employer le mot souvenir tant les traces laissées par ce qu'il sous-entend étaient légères et discontinues, mais aucun autre mot ne me vint à l'esprit.
Le temps comme une parenthèse s’était ouvert. Rien ne pouvait s’opposer à cette fissure qui cette fois ne s’attaquait plus seulement aux images et aux mots, mais au silence même.



Aucun commentaire: