Quelques éclairs

Pinocchio le Petit, debout devant le lion gigantesque ne sait ce qu'il doit faire. Il n'a, curieusement il est vrai, pas vraiment peur de lui. En tous cas pas autant qu'il ne le devrait et beaucoup moins de ces éclairs qui ne cessent de le caresser de trop près et qui le font sursauter... Il a pourtant pris soin de ne pas être complètement à sa portée, bien qu'il eut préféré se mettre à l'abri, comme lui, sur sa petite terrasse. Pure illusion, c'est vrai, se dit-il. Et voilà qu'il se met à me parler de l'âme! se dit-il encore.


– Selon Aristote: "l'âme n'existe pas sans le corps, mais elle ne se confond pas absolument avec lui."

– Pourquoi me parlez-vous d'âme?

– Qui ne voudrais apprendre quelque chose sur son âme ou sur la possibilité d'en acquérir une? Je pensais spécialement à vous, jeune Pinocchio qui s'effraie tant de voir l'âme du ciel le caresser...

– Et pourquoi à moi, particulièrement?

– Parce que je doute...

– De quoi doutez-vous?

– Je me doute de ce que vous n'êtes pas...

– Et qu'est-ce que je ne suis pas?

– Je crois que vous n'êtes pas ce que vous croyez être.

– Alors vous pensez comme Pinocchio, celui qui se croit l'Autre.

– Et vous pensez qu'il ne l'est pas?

– Il ne l'est pas plus que moi.

– Et vous pensez que le monde duquel vous faites partie est un monde qui a une âme?

– Quelle drôle de question.

– Ce n'est pas vraiment une question, plutôt une sorte de constatation.

– Et cette constatation, quelle est-elle?

– Je constate que si vous êtes à l'image de l'homme qui vous a conçu à l'aide de son cerveau et de ses mains, vous n'êtes pas vraiment comme lui.

– Et alors?

– Et alors, il devrait vous sembler évident que cet homme, parce qu'il s'agit d'un homme, est, ou était persuadé qu'il avait le potentiel de créer...

– Je ne comprend toujours pas où vous voulez en venir et quant à mon créateur je n'en ai qu'une vague idée et encore, très indirecte... et pour tout vous dire, uniquement par l'intermédiaire de livres...