"À chaque page, je me disais: si on pouvait revivre aux mêmes heures, aux mêmes endroits et dans les mêmes circonstances ce qu'on a déjà vécu, mais le vivre beaucoup mieux que la première fois, sans les erreurs, les accrocs et les temps morts... ce serait comme de recopier au propre un manuscrit couvert de ratures."
Souvenirs dormants, Patrick Modiano, NRF
Depuis son rocher, Pinocchio voyait au loin naviguer le bateau qu'il eut aimé aimer si...
– Avec des si et des la, on peut faire de la musique... se dit-il.
– ... ou raconter des histoires.
La voix "caverneuse" qui lui avait répondu était comme sortie des rochers et l'avait accompagné pendant de longues heures.
– Ce n'était pas derrière moi que je l'entendis. Ni devant, ni d'un côté ou de l'autre, mais il m'a semblé être pris dans un nuage, comme enveloppé de toutes part. Une voix sourde qui me fit trembler et longtemps après résonne encore. Comment cela se fit, je ne le sais. J'ai d'abord pensé que par une sorte de hasard, le bruit du tonnerre et la suggestibilité née de tous ces éclairs qui éclataient sur la mer s'étaient lié avec mon imagination pour faire en sorte que je "produise" littéralement cette voix... Comme je l'appris plus tard, les brusques mouvements de l’œil favorisent un détachement du présent et peuvent avoir un effet sur la vision, laquelle n'est autre qu'une construction de l'esprit... qui est bien plus encore qu'un tracé ou un rapport précis sur ce que nous nommons la réalité.
– Je voudrais bien que vous m'expliquiez cela.
Une autre voix, bien plus légère, mais qui me surprit tout autant avait fait son apparition à mes côtés.
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