vendredi 5 janvier 2024

À portée de main

 

« C'est le temps épuisé et suspendu, la pénombre soudaine où nous commençons à oublier Genius, c'est la nuit exaucée.
Ariel exista-t-il jamais? Mais quelle est cette musique qui se défait et qui s'éloigne? Seul le congé est vrai; ce n'est qu'alors que commence le long désapprentissage de soi. Avant que l'enfant dégingandé ne reprenne une à une ses rougeurs, une à une, impérieusement, ses hésitations.»

Giorgio Agamben, Profanations, Rivages 

 


 

Le soir tombait. Sur les branches de son arbre, ayant à son insu perdu tout sens de la mesure, Ulysse raconte:
– Loin de tout, seul, et pourtant au centre du théâtre du monde, entendant encore distinctement à peu près toutes les absurdités qu'ils  se plaisent à inventer là-bas, j'étais arrivé au bord d'un inconnu qui me tendait les bras.
Devant le fleuve, toujours changeant, je m'interrogeais:
– Que puis-je faire contre ces courants furieux et tourbillonnants, ces ramassis épars de rumeurs en forme de traditions, de croyances et de fictions s'arrogeant le titre de "Mythe", de paranoïa et de mensonges masqués ou démasqués?
Une seule permanence y survit: l’accouplement sauvage de la bêtise et de l'orgueil...
Se rendant comptes des limites qu'il venait de dépasser par la pensée:
– Qu'en est-il de cette quête de sagesse qui m'avait porté depuis mon plus jeune âge?
Sans plus aucune considération pour les mensonges et les manigances de mes semblables qui prétendaient me tendre un miroir, j'allais sans regret faire le grand saut, quand un léger vrombissement attira mon attention, me fit sursauter et me fit un peu peur, je l'avoue. Ce qui était un vrai paradoxe, au vu de la situation dans laquelle je m'étais mis. Sans que je l'aie décidé le moins du monde, d'un seul coup, pourquoi? Je ne le sais pas. Je me retournais et ce que je vis alors, à portée de main, je n'ai aucune crainte de le dire, changea le cours de ma vie.

 

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