Devoir

 

 « (…) c'est son devoir que de l'être; la pensée se défend désespérément d'avoir été plus forte; la clarté du moment ne veut pas illuminer au passé de moments plus clairs qu'elle-même; et les premières paroles que le contact du soleil fait balbutier au cerveau qui se réveille, sonnent ainsi dans ce Memnon: Nihil reputare actum...

Relire, donc, relire après l'oubli, se relire, sans ombre de tendresse, sans paternité; avec froideur et acuité critique, et dans une attente terriblement créatrice de ridicule et de mépris, l'air étranger, l'œil destructeur, c'est refaire, ou pressentir que l'on referait, bien différemment, son travail.
L'objet en vaudrait la peine. Mais il n'a pas cessé d'être au-dessus de mes forces. Aussi bien je n'ai jamais rêvé de m'y attaquer(…)»

Paul Valéry, Introduction à la méthode de Léonard de Vinci

 

 

Ulysse, envoyé spécial du Grand Vérificateur des Croyances, sur son île qu’il croit déserte, assis face à cet arbuste qu’il ne quitte plus, essaie, souvent vainement, de mettre de l’ordre dans son esprit. Il y arrive par moments. Mais il n’a de cesse d’être confronté aux images et aux idées qui, profitant du vide de l’esprit le traversent et l’envahissent…

 

– Serai-je une de ces idées ou images qui traversent l’esprit et me font penser? Mais... faire penser n'est-il pas le contraire de penser...

Comment savoir si, voyageant dans l’esprit des gens au moyen de ces images… les idées qu’elles véhiculent ne se révéleraient point être porteuses de quelque message secret qui pourrait m’être destiné?

Ainsi dévoilé, divulgué aux yeux de tous... ou presque... je pourrais alors être, en quelque sorte, démasqué… 

Comment dès lors, prisonnier des images, d’identités et d’idées qui ne seraient point miennes, pourrais-je trouver le chemin du retour?