jeudi 7 décembre 2023

À son tour

 

« Les philosophes médiévaux étaient fascinés par les miroirs. Ils s'interrogeaient notamment sur la nature des images qui apparaissent à leur surface. Quel est l'être de ces images ou, plutôt, leur non-être ? S'agit-il de corps ou de non-corps, de substances ou d'accidents ? Faut-il les identifier avec la couleur, avec la lumière ou avec l'ombre ? Sont-elles douées de mouvement local ? Et comment le miroir peut-il en accueillir les formes ? À coup sûr, l'être des images doit être des plus singuliers, car, corps ou substance, comment pourraient-elles occuper l'espace déjà occupé par le corps ou la substance du miroir lui-même? Et si jamais leur lieu était le miroir, en déplaçant ce dernier, ne devrait-on pas déplacer aussi les images qui s'y projettent?
Tout d'abord, l'image n'est pas une substance, mais bien un accident qui ne se trouve pas dans le miroir comme dans un lieu mais comme dans un sujet (quod est in speculo ut in subiecto).»


Gorgio Agamben, Profanations, p.69, Rivages poche

 


 

– Avez-vous conscience du fait que nous apparaissons dans le même temps à plusieurs endroits de ce monde, qui n’est pas le nôtre?
– Qu’est-ce qui vous fait dire cela?
– Je n’en ai aucune idée… mais le fait est que nous avons cette capacité!
– Serait-ce le désir de notre créateur?
– Cela pourrait… mais je n’y crois pas.
– Et… à quoi cela pourrait-il servir?
– Chaque occasion, chaque mouvement, nous donne, et ainsi lui donne la possibilité d’enrichir notre vision et notre compréhension du monde qui nous accueille… d’autant que le regard du spectateur se déplace lui aussi… tout comme le corps qui le porte… dans lequel, pour un instant plus ou moins long… nous vivons…
– Ce serait ainsi que vous bâtissez…ou… que vous construisez ou… qu’il bâtit l’idée qui… 
 – Qui, à son tour, essaie de vous posséder…
– Comment cela pourrait il se faire?


 

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