« L'homme est un vivre terminable et un dire interminable. La langue naturelle consiste dans le sans terme de la temporalité irréversible et inachevante des mortels. La langue s'oppose au corps qui l'apprend comme à son pôle adverse. Il y a un lieu qui s'est distendu dans l'homme jusqu'à l'abîme. Il y a une tension dont les deux termes se sont opposés dans l'homme seul entre horizon et aoriste, entre Thanatos et Logos.
Le livre est un mort qui parle.»
Pascal Quignard, Sur le jadis, Grasset, p.156
Le livre est un mort qui parle.»
Pascal Quignard, Sur le jadis, Grasset, p.156
Divine providence
Épisode 67
Le Colonel
Fixant l'infini, presque oublieux de son compagnon à ses côtés.
Le ciel s'enflamme, et l'ombre hésite encore,
Entre le jour mourant et l'obscurité d'or.
Le vent, ce vieil aède, égrène ses mystères,
Et moi, dans son sillage, je m’égare en chimères.
Le monde et son origine ne changent guère;
Le monde et son origine ne changent guère;
Chaque jour rompt la chaîne infinie de la nuit.
Ceux qui, comme nous, l'habitent, changent d'esprit
Se dit mon compagnon, dans un silence amer.
Le petit chien roux
Le petit chien roux
D’une voix douce, presque murmurée.
Jamais nous n'en serons les maîtres, ô mon maître,
Jamais ces cieux brûlants ne s'inclineront.
Nous ne sommes que grains, dans leur gouffre champêtre,
Et nos pas sur la terre sont des ombres qui fondent.
Le Colonel
Haussant légèrement les épaules, d’un air songeur.
Nous sommes bien au-dessus de tout cela.
Le vent n’est que l’écho de ce que nous dictons,
Et les étoiles, loin, à l’abri des prisons,
Obéissent sans fin à nos pensées, voilà.
Un silence. Le crépuscule semble s’étirer, comme suspendu. Peu à peu, le Colonel se laisse happer par un souvenir. Son regard se voile, et sa voix devient plus lente, plus douce.
D’un seul coup, sans crier gare, un regard,
Un silence. Le crépuscule semble s’étirer, comme suspendu. Peu à peu, le Colonel se laisse happer par un souvenir. Son regard se voile, et sa voix devient plus lente, plus douce.
D’un seul coup, sans crier gare, un regard,
Un geste, infiniment précis, infiniment tendre,
Fit naître un sourire. Ah, ce sourire hagard,
Cette lumière… Elle semblait tout comprendre.
La nature, cette dame au jeu cruel,
La nature, cette dame au jeu cruel,
Compose à l’infini des masques et des visages.
C’était là l’ombre exacte, oui, l’écho fidèle,
De ce que j’étais… avant le long naufrage.
Ce n’était rien, qu’un souvenir fugitif,
Ce n’était rien, qu’un souvenir fugitif,
Mais celui-ci, féroce, s’offrit comme un présent.
Tout ce que nous perdons et donnons, fugitif,
Revient, se dissipe, puis renaît… incessant.
La très véridique histoire du colonel Ortho
Aux éditions "Nec pluribus impar"
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire