vendredi 17 janvier 2025

Bouleversement

 
« Il est des choses qui ne peuvent être appréhendées directement, mais pour les approcher et les comprendre scientifiquement il faut se laisser emporter par la nature de ces choses.»

D’après L.Binswanger
 
 
Divine providence
 Épisode71B
 
 
 


 
Ainsi tout émergeait, dans un lent mouvement,
De ces flots endormis sous l'ombre du couchant.
Ces îles dépouillées, ces mornes amas de pierre,
Semblent à l'horizon des éclats de poussière.
Mais soudain ce volcan, d'un souffle souverain,
Surgit hors de la mer comme un bras du destin.
Des fumées, lourds voiles aux teintes rouge et rose,
S'élèvent en silence et la scène s'impose.
Je vois, et j'observe, mais n'ose m'approcher.
Le ciel s'emplit de bruit, la mer semble cracher.
L'âne insolaire marche, insensible au désordre,
Son étrange savoir ne veut ni craindre, ni mordre.
Il goûte en un silence un passé déjà dit,
Cueillant au fil du vent quelque antique récit.
Le Colonel, debout, figé dans sa tenue,
Semble un roi sans sujet, dont l'orgueil est vaincu.
Et ce chien, bleu changeant, à l'image du ciel,
S'efface et se reflète en un jeu éternel.
Mais moi, je demeure, et l'étrange m'attire.
Cette roche surgie, ce flot plein de délires,
Cette scène, muette, devant moi s'étendait,
Et pourtant en mon cœur un feu naissait, grondait.
Sont-ils donc seulement des formes vagabondes?
Et si tout ce qui vit me cédait en ce monde?
Ils pourraient être miens ! Ces îles, ce volcan,
Tout ce que je contemple en ce soir éclatant!
D'un mot, je pourrais faire un empire de pierre,
Donner vie à ces eaux, à ce feu, à ces terres.
L'âne, insouciant, goûterait ma pensée,
Et porterait mes mots comme une loi dictée.
Le Colonel, de tissu, serait mon soldat,
Ma force, mon action, mon élan, mon éclat.
Et ce chien, dont le corps au ciel semble se fondre,
Porterait mes désirs dans son bleu clair et sombre.
Et toi, volcan fumant, tu t'élèves pour rien?
Non, tu seras à moi, je te veux mien, tout mien.
Tes fumées, ces strates d'un souffle irréel,
Deviendront des tableaux sous mon verbe immortel.
Ces vagues, qui s'enflent dans un chaos sauvage,
Plieront sous mes mots, se feront mon ouvrage.
Car tout ce que je vois, ce monde si présent,
N'existe désormais qu'en moi, en mon instant.
Ce désir, qui d'abord n'était qu'un doux murmure,
S'élève en moi plus fort que ta lave, ô nature.
Je ne veux plus décrire: à quoi bon contempler?
Le regard est un fardeau, un pouvoir enchaîné.
Mais créer, transformer, m'ériger en puissance,
Voilà l'élan secret dont mon âme s'élance.
Et toi, vaste univers, que je prends pour témoin,
Tu seras mon ouvrage, ou tu ne seras point.



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