jeudi 30 janvier 2025

 
« Il tourne autour de son absence comme à la recherche d'une issue par où la rejoindre, trop jeune toutefois pour désirer s'y laisser attirer jusqu'au point de non-retour, mais qu'elle revienne, qu'elle soit là et qu'étant de nouveau là sans y apparaître en personne elle l'aide à vivre cette absence absolue qu'est sa mort dans un rapport d'intimité et non plus d'exclusion, fût-ce pour en attiser la douleur qu'une étrange sécheresse a frappée d'inertie.»

Louis-René des Forêts, Ostinato, l’imaginaire Gallimard, p.60
 
 
 



Résumé
 
Impatient le petit chien bleu demande: Quand donc en viendrez-vous au fait, si je puis dire… À quoi faites-vous allusion? lui répond le Colonel, poupée de tissu façonnée par le Souriant qui semble être le narrateur de cette histoire. Que vient faire ici le narrateur? Ce que j'aimerai savoir c'est ce qui lui est arrivé... demande encore le petit chien. Ce qui lui est arrivé, il ne l'a pas demandé. Cela est arrivé c'est tout... lui répond le Colonel... mais suivez-moi et je vous conterais tout... et en détails...
 

Le Colonel, pantin de tissu à l’effigie du Colonel, raconte

Il ne criait pas. Non. L’horreur était plus forte,  
Et son âme figée attendait qu’on l’emporte.  
L’enfant ne comprenait ni le lieu ni l’instant,  
Et son souffle hésitant se brisait sous le temps.  

Le Souriant

Tout se jouait là, sourd, dans le cercle immobile,  
Où l’éclair d’un couteau sous mes doigts inutiles  
Traçait sur ce visage un destin que, sans voix,  
Il ne refusait pas, ne concevant pourquoi.  

Il n’était plus que matière, ma main vagabonde,  
Façonnait sa tendre chair comme la nuit refonde  
Les contours incertains de tout ce que l’on a vu  
Quand l’ombre se referme et qu’on ne voit plus. 
 
Son regard devint vide, une mer sans rivage,  
Un gouffre où s’effaçaient les songes de l’enfance,  
Et moi, sur cette peau, je sculptais un visage,  
D’un sourire éternel, figé dans la souffrance.  

Le Colonel, poupée de tissu

Il était là, tremblant, aux confins de l’absence,  
Un enfant, frêle ombre aux portes du silence.  
Le vent, ce jour funeste, oubliait l’océan,  
L’eau dormait sous le ciel, sans un souffle mouvant.
 
Le Souriant

Rien ne me semblait venir troubler l’ordre des choses,  
Et pourtant, dans ses mains, mon destin se dépose.  
Mes yeux, vastes abîmes où nageait l’inconnu,  
Cherchaient un point d’appui et n’en trouvaient plus. 


Le Souriant

Ce regard malhabile, égaré, sans lumière,  
Comment pourrait-il plaire, inspirer la matière?  
N'est-il pas fait pour rire, éclairer les humains?  
Pourquoi donc refuser ce don de mes deux mains? 

Il ne criait pas. Non. L’horreur était plus forte,  
Et son âme figée attendait qu’on l’emporte.  
L’enfant ne comprenait ni le lieu ni l’instant,  
Et son souffle hésitant se brisait sous le temps.


Le Souriant

Je n’ai point de dessein cruel ou tyrannique,  
Mais la vie exige un visage héroïque.  
Ce masque que je taille est le sceau du destin,  
Un éclat, un flambeau sous ce front incertain.  


Le Colonel, poupée de tissu

Tout se jouait là, sourd, dans le cercle immobile,  
Où l’éclair d’un couteau sans pensées inutiles  
Traçait sur ce visage un destin que, sans voix,  
Il ne refusait pas, ne concevant pourquoi.  

Le Souriant 

Ô pauvre créature aux traits froids et sévères,  
Que ne puis-je ouvrir en toi des rivières!  
Ce monde est une scène, et tu dois y jouer,  
N’es-tu point plus utile en un sourire magnifié?  

Je n’étais qu’un outil, la main d’un sort immonde,  
Je façonnais sa chair comme la nuit refonde  
Les contours incertains de ce que l’on a vu  
Quand l’ombre se referme et qu’on ne voit plus.  

Le Colonel, poupée de tissu

Son regard devint vide, une mer sans rivage,  
Un gouffre où s’effaçaient les songes de l’enfance,  
Et sur lui, sur cette peau, il sculptait un visage,  
D’un sourire éternel, figé dans la souffrance.  

Le Souriant

Le monde le voulait, ce monde qui s’égare,  
Un enfant sans éclat est un astre sans phare.  
J’ai inscrit dans sa peau le rôle qu’il lui faut,  
Un masque éclatant sous le joug des bourreaux.
  
Le Colonel, poupée de tissu

Le crépuscule vint, et, tel un dieu féroce,  
Il scella sous ses doigts les restes de l’atroce.  
L’enfant, dépouillé d’être et d’un passé brisé,  
Vit le monde en ses yeux, mais ne put plus l’aimer.

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