Insoluble

 

 «Ceci peut paraître d'abord une énigme insoluble. Il nous faut construire le tout à partir des éléments, et pourtant ce n'est que dans le tout que se trouve l'élément qui assigne sa signification et par conséquent sa position à un élément donné. Mais nous avons déjà vu que c'est ceci qui met en marche l'histoire elle-même.»

 

Wilhelm Dielthey, Gesammelte Schriften, vol. II, p. 262

 

 

Les îles, dans leur vaste solitude minérale,
Semblent à jamais figées sous la voûte astrale.
Pourtant, ce jour, un murmure sous les flots,
Un souffle insaisissable, ébranle leurs radeaux.
Les rochers, flottants, tels des esquifs secrets,
S'éveillent dans l'abîme où l'océan renaît.
Sous les remous profonds, la pierre se détache,
Et les îles, lentes, glissent comme des taches.

 

 

 

– Qui sont-ils? se demande l'âne insulaire,
« Cette figure fière, cet étrange éclair?
Est-ce un esprit puissant venu des cieux lointains,
Ou bien un spectre froid, porteur d'un sombre destin?»

 

 

 

 

De l'autre côté, le Colonel observe sans rien omettre,
Ses galons brillent d'or, sa poigne ne déserte.
Elle scrute l'âne au pelage hérissé,
Dont les grands yeux brillants semblent tout embrasser. 

« Un animal étrange, solitaire et farouche,
Dont l'air songeur pourtant jusqu'à mon âme touche.
Mais quel est ce regard? Une flamme s'y lit,
Comme si cet âne rêvait d'un infini.»
Le chien bondit, impatient, sur son promontoire:
« Regarde-le, Colonel, comme il semble nous voir!
C'est une créature, ni bête, ni banale,
On dirait qu'il possède un éclat bien spécial.
Ne crains pas, dis-moi, qu'il soit un ennemi,
Vois sa posture humble, son souffle adouci.
Il est peut-être perdu, comme nous, en ce monde,
Cherchant un sens caché où le vide abonde.»
Mais le Colonel hésite, et d'une voix glacée:
«Tout ce qui approche n'est pas fait pour entrer.
Nous sommes seuls ici, et devons rester fiers,
Car l'inconnu souvent recèle des mystères.
Ce regard, pourtant... Il brille d'un éclat pur.
Mais qui sait si ce feu n'est pas un leurre obscur?
Attendons, patientons, que ce visiteur parle,
Et qu'il nous révèle sa part ancestrale.»