«En chaque être humain habite une innocence qui lui est propre.»
Hugo von Hofmannstahl, Le Livre des amis
Un rivage désert sous un ciel flamboyant,
Le vent qui doucement caresse l’instant poignant.
Le Colonel, dressé, silhouette austère et fière,
S’adresse à son chien roux, marqué par la lumière.
LE COLONEL
LE COLONEL
Ô fidèle compagnon, toi qui braves les flots,
D’où venez-vous, voyageur, par quels sombres échos
La mer vous a-t-elle pris pour vous porter ici,
Vers cette île oubliée où nul ne vous choisit?
Dites-moi ce que vous cherchez, au fond de votre errance,
Et quel espoir secret nourrit votre constance.
LE CHIEN
LE CHIEN
Je viens d’un roc lointain, battu par l’océan,
Un volcan où le feu s’élève, rugissant.
Là-bas, l’air est si lourd qu’on y perd la mémoire,
Mais le ciel, rouge et noir, y conserve l’espoir.
Un jour, las des colères où la lave m’enlace,
J’ai plongé dans les flots pour fuir cette menace.
Mais combien ai-je nagé, sous quel astre cruel,
Je l’ignore, mon maître, tout est bien intemporel.
Pourtant, ô mon Colonel, répondez sans détours,
D’où vient votre voix grave et quel est votre séjour?
LE COLONEL
LE COLONEL
Hélas, mon cher ami, ma voix n’est qu’un mensonge,
Un souffle sans chaleur qu’anime un vain songe.
Je ne suis qu’un bout de tissu façonné,
Une marionnette en quête d’humanité.
Mon crépuscule est doux, mon visage impassible,
Mais mon cœur, voyez-vous, rêve d’être un corps sensible.
J’aspire à devenir un homme de chair et d’os,
Et pourtant, je frissonne au fond de ce chaos.
LE CHIEN
LE CHIEN
Que craignez-vous donc, Colonel, vous dont l’âme
Semble effleurer des cieux une lumière infâme?
Les hommes ne sont-ils pas ce qu’un cœur peut rêver,
L’épreuve et la grandeur d’un destin élevé ?
LE COLONEL
LE COLONEL
Je crains, compagnon cher, les hommes et leurs chaînes,
Leurs passions, leurs fureurs, leurs douleurs incertaines.
Je crains cette raison qui les pousse au malheur,
Ce doute qui consume et ronge leur ardeur.
Ils portent dans leur sein la gloire et la misère,
Et leur orgueil sans fin se dresse contre l’éther.
Ah ! Que vaut-il mieux être? Un rêveur ou bien eux?
Un pantin sans remords ou un être odieux?
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