« Projeté
sur la roche à partir de la vision involontaire interne que
provoquaient la faim, la nuit, le froid, la drogue, la lueur, la peur de
périr, le remords d'avoir tué, le rêve où tout resurgit, les premiers
hommes d'avant l'histoire, eux-mêmes levant les premières torches
enfumées au fond des cavernes dont ils avaient délogé et décimé manque à
nos jours les ours, effaçant ou réanimant les griffures des ours qui
les avaient précédés dans les conduits eux-mêmes creusés et abandonnés
par les glaciers, dessinaient les contours des silhouettes qui étaient
disparues.
Pascal Quignard, Sur l’image qui manque à nos jours, arléa, p.17
L'âne hésite, puis, solennel, comme
mû par une force intérieure, s'avance lentement au centre de la scène.
Le vent marin se tait un instant, comme suspendu... Et les révélations sur la transformation du Souriant se précisent peu à peu...
Écoutez-moi, compagnons, et retenez ces mots.
L'opération qu'il cache, ce n'est point un complot.
C'est une main divine, ou peut-être cruelle,
Qui altère l'être et brise son étincelle.
Une ombre passe sur le théâtre, projetant sur le sol des figures tremblantes. La lumière vacille, mais le sourire du Souriant reste, figé, inaltérable, au-delà même de ces révélations.
L'âne, plus sombre encore
Peut-être le Souriant, avant d'être tout-puissant,
Fut lui-même forgé par ce cruel tourment.
Ce qu'il est aujourd'hui, cet éclat qui l'enlace,
N'est que le masque froid d'un passé qui le chasse.
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