Divine providence
Épisode 68 (suite)
Or, sur son île d’ombre où le silence règne,
L’âne au cœur insulaire contemple et s’imprègne.
Car, là-bas, à l’horizon brisé par les flots,
Un éclat se dessine au lointain des radeaux.
Une autre île apparaît, voilée de brume pâle,
Une autre île apparaît, voilée de brume pâle,
Comme un joyau perdu sous la nuit sépulcrale.
Et sur ses flancs mouvants, il croit voir des témoins,
Quelque chose qui danse, fuyant comme un lointain.
Est-ce un souffle de vent, une branche égarée?
Est-ce un souffle de vent, une branche égarée?
Un mirage de l’eau, à l’esprit suggéré?
Son cœur vacille, en proie à d’étranges pensées,
Tantôt empli d’espoir, tantôt de vains regrets.
« Peut-être, se dit-il, ce lieu est-il fertile,
« Peut-être, se dit-il, ce lieu est-il fertile,
Peuplé d’autres semblables, de frères dociles.
Peut-être, en ce désert où l’écho se dissout,
M’attend un havre doux, un futur plus qu’un goût.»
Mais aussitôt, l’effroi traverse sa prunelle:
Mais aussitôt, l’effroi traverse sa prunelle:
« Et si ces ombres-là n’étaient point fraternelles?
Si leur main, redoutable, ourdissait dans la nuit
Les pièges d’un royaume où mon souffle s’enfuit?»
Il hésite, tremblant, sous l’ample firmament,
Il hésite, tremblant, sous l’ample firmament,
Scrutant ces formes vaines, obscures, en mouvement.
Car le mystère, sombre, enflamme son esprit,
Lui prêtant des contours qu’aucun œil ne dédit.
Cependant, le narrateur, depuis son autre rive,
Cependant, le narrateur, depuis son autre rive,
Sait ce que ces mirages, à l’âne, se dérobent:
Une poupée s’avance, au port majestueux,
Revêtue d’un costume bleu roi, fastueux.
Ses galons d’or scintillent, comme un éclat de guerre,
Ses galons d’or scintillent, comme un éclat de guerre,
Mais son regard est vide, étranger à la terre.
À ses pieds, un petit chien, compagnon vigilant,
Suit ses pas incertains, sautillant, hésitant.
Et l’âne, ignorant ce tableau singulier,
Et l’âne, ignorant ce tableau singulier,
Projette sur l’inconnu des rêves familiers.
« Est-ce là un refuge, une île de lumière,
Où s’épanouit la paix dans le creux des prières?
Ou bien un antre sombre, où le destin m’attend,
Ou bien un antre sombre, où le destin m’attend,
Pour me jeter aux fers, aux griffes des tourments?»
Ainsi, il vacille, dans l’ombre indécise,
Son cœur partagé entre la crainte et la surprise.
Et moi, qui vois cela depuis mon propre roc,
Et moi, qui vois cela depuis mon propre roc,
Je souris, spectateur d’un étrange équivoque.
Car l’âne, dans ses doutes, cherche ce qu’il connaît,
Mais ignore ce destin que le hasard promet.
Peut-être qu’en ce lieu où l’étrange s’entrelace,
Peut-être qu’en ce lieu où l’étrange s’entrelace,
Un conte se tisse, au-delà de l’espace.
L’âne et la poupée, ce chien, ces destins flous,
Se croiseront-ils un jour, au gré de l’imprévu?
Dans ce théâtre où les îles sont des scènes,
Dans ce théâtre où les îles sont des scènes,
Où le ciel et les flots se nouent de mille chaînes,
Le temps seul révélera ce que l’ombre détient,
Ce que l’âne devine et ce qu’il appréhende en vain.
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