"O misère de nous! Notre vie est si vaine qu'elle n'est qu'un reflet de notre mémoire."
Châteaubriand
Châteaubriand
Divine providence
Épisode79
Sur la plage, entre deux marées, au milieu de dizaine de bois rompus et flottés et diverses curiosités, le Colonel accompagné de l'âne et du petit chien, trouvent également des costumes, certes usés, déformés et réparés, mais qui, mis en lumière, retrouvent toutes les apparence souhaitées. Pendant ce temps la construction va bon train.
Sur la scène du théâtre fait d'ombres emmêlées,
Dans ce frêle édifice que bercent les marées,
Des voix s'élèvent, tissée de vérités.
Le Colonel, debout, sous le ciel qui s'efface,
Laisse aux vents souverains le soin de faire grâce.
Blanc comme un masque nu, sans traits, sans expression,
Le Colonel, debout, sous le ciel qui s'efface,
Laisse aux vents souverains le soin de faire grâce.
Blanc comme un masque nu, sans traits, sans expression,
Il parle, et de sa bouche s'échappe un autre ton.
Je ne suis qu'un pantin, voyez cette carcasse,
Je ne suis qu'un pantin, voyez cette carcasse,
Un simulacre froid où l'oubli me terrasse.
Ce que j'ai été? Je n'en garde pour moi que des éclats,
Ce que j'ai été? Je n'en garde pour moi que des éclats,
Un grand miroir morcelé qu'effleure une voix-là.
Mais ici, dans l'abri qui échappe à son regard,
Mais ici, dans l'abri qui échappe à son regard,
Ma mémoire renaît, un flot brusque et hagard.
Sans lien, sans chemin, elle s'éveille enfin,
Sans lien, sans chemin, elle s'éveille enfin,
Et ce que je vous dis jaillit de mes confins.
Un souffle suspendit la scène d'un instant,
Un souffle suspendit la scène d'un instant,
Et le Colonel, sombre, reprit en un élan:
Je ne vous ai point dit, compagnons de fortune,
Je ne vous ai point dit, compagnons de fortune,
D'où vient ce que je fus, et ce que je calcule.
Car jadis, sur les bords d'une rivière ancienne,
Car jadis, sur les bords d'une rivière ancienne,
Dans des jardins royaux où l'histoire sommeillait,
Je laissais à mes pas guider mon âme vaine,
Chargée de désarrois, de cendres, de regrets.
C'est là que je les vis, mes futurs acolytes,
C'est là que je les vis, mes futurs acolytes,
Deux ombres singulières, au seuil de ma limite.
Le premier, c'est l'Illusion, un être éclatant,
Le premier, c'est l'Illusion, un être éclatant,
Une étoile trompeuse, un mensonge charmant.
Il porte bien son nom, et son rôle me hante,
Il veille à la flamme, au flambeau qu'il nous présente .
Sa lumière vacille, mais il marche sans fin,
Comme si sous ses pas s'effaçaient les chemins.
Le second... ah, la Misère, cette créature!
Rien en elle n'éclaire, tout en elle murmure.
Elle devrait, c'est sûr, demeurer en retrait,
Il porte bien son nom, et son rôle me hante,
Il veille à la flamme, au flambeau qu'il nous présente .
Sa lumière vacille, mais il marche sans fin,
Comme si sous ses pas s'effaçaient les chemins.
Le second... ah, la Misère, cette créature!
Rien en elle n'éclaire, tout en elle murmure.
Elle devrait, c'est sûr, demeurer en retrait,
Invisible, cachée, sans faire un seul excès.
Mais hélas, mes amis, elle s'impose à tout,
Mais hélas, mes amis, elle s'impose à tout,
Avec ses airs contrits, son silence si flou.
Elle me suit partout, compagnon malvenu,
Elle me suit partout, compagnon malvenu,
Et je suis loin, je crois, d'être seul à l'avoir vue.
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