Sur cette île rocheuse où règne le volcan,
Je les observe, moi, témoin, cœur vacillant.
Trois êtres singuliers, disjoints, et cependant
Liés par un mystère, un fil, un battement.
Le Colonel, poupée vêtue d'un bleu austère,
Se tient droit, souverain, galonné de lumière.
À ses pieds, un petit chien roux, marqué par le feu,
Compagnon attentif, au portant silencieux.
Et cet âne venu d'ailleurs, mais d'où, vraiment?
D'une île voisine, peut-être... ou du néant.
Sa robe, verte et vive, où la mousse se tresse,
Brille d'or par instants, puis dans l'ombre se presse.
Je doute, et je contemple, à l'écart de leurs pas,
Cherchant ce qui les lie, ce que je ne vois pas.
D'abord, ils s'épiaient, distants et taciturnes,
Leurs regards s'échappant comme des flèches nocturnes.
Puis, un jour, sans éclat, sans le moindre frisson,
Ils étaient côte à côte, comme par ascension.
L'âne, me dis-je alors, recèle un don profond,
Un pouvoir qui échappe au commun des raisons.
Mais quoi? Quel est ce lien qui dépasse ma vue,
Et qui les tient debout, en silence, sur le fil tendu?
On dirait qu'ils captent l'air, les récits, les paroles,
Qu'un citaphore éclaire où leur quête s'envole.
Citaphore, organe éparpillé ou substance du passé
Comme un souffle ancien que le vent vient d'effacer.
Des bribes, des échos, des histoires sans fin,
Surgissent en leurs seins, éclairant leur chemin.
Est-ce vrai? Moi, pauvre narrateur, au savoir impossible,
Je ne fais que les voir surgir, fantômes invisibles,
Dans les lieux où ces mots vibrent d'un éclat sourd,
S'immergeant doucement dans les plis d'un détour.
Et pourtant, malgré tout, je sens ce doute en moi:
Que cherchent-ils ainsi? Comment? Et pour quoi?
Car ensemble, le sont-ils? Rien ne me le confirme.
Ils marchent ensemble, mais leurs âmes s'esquivent.
Pas un mot échangé, pas un regard sincère,
De loin, leur union semble un reflet éphémère.
Leurs carnets, usés, porteurs de solitudes,
Me rappellent combien leur voyage se scinde.
Ils griffonnent, chacun, leurs pensées, leurs secrets,
Sur des pages froissées, témoins de leurs regrets.
Et moi, qui les observe, je partage leur errance,
Leurs pas, apparemment communs, troublent ma conscience.
Pourquoi ce trouble en moi, cet émoi singulier?
Est-ce leur solitude, ou l'écho d'un passé?
Sont-ils le reflet pur de mon propre silence,
Un miroir de mes doutes, de mon errance immense?
Ainsi, je vacille, totalement perdu dans leur sillage,
Cherchant dans leur mystère l'ombre de mon visage.
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