mercredi 1 janvier 2025

 

 


 

– Dans ce monde... dans ce théâtre... chacun aurait son rôle à jouer...

– Selon les histoires et les drames et leurs rencontres...

– Et... se pourrait-il que tout soit, en quelque sorte, sujet à interprétation?
– Ah, mais vous touchez ici à la faille même du langage, comme durait Lacan, à ce trou dans la trame qui fait que le sens n’est jamais plein. Dire que tout est sujet à interprétation, c’est déjà dire trop peu, car ce que nous interprétons, ce n’est pas le tout, mais le manque: un manque autour duquel tourne la parole, tel un danseur autour du vide. Le monde, s’il faut le nommer, n’est pas une réponse figée ; il est cette perpétuelle équivoque, ce va-et-vient entre l’être et le devenir. Et peut-être n’est-ce là que le réel, dans sa crudité : un éclat qui ne se laisse jamais saisir.
– Vous croyez…
– Vous ne croyez pas si bien dire ! Croire, c’est déjà entrer dans le jeu du signifiant...

– Je suis perdu!

– C'est le jeu du signifiant, ce jeu où le sujet se perd à vouloir se retrouver. Mais le croire n’est pas le savoir, et c’est là tout l’enjeu. Le savoir, voyez-vous, est cette illusion où le sujet cherche à combler son manque par un objet qui, à chaque fois, lui échappe. Vous voulez croire, mais ce que vous croyez, c’est précisément ce qui vous manque.
– Concernant le manque, je ne peux en douter.
– Et pourtant, le doute n’est jamais ce qu’il paraît être. Il n’est pas un obstacle à la vérité, mais sa condition. La vérité, si elle existe, n’est pas une lumière qui dissipe l’ombre, mais une ombre qui danse avec la lumière. Elle n’est pas ce qui résiste à la question, mais ce qui la suscite, la prolonge, la multiplie. Et à chaque question, elle se dérobe, comme une étoile filante qui disparaît avant qu’on ait pu la nommer.
– Et alors, qu’est-ce que cela signifie pour nous?
– Cela signifie que nous sommes pris dans un jeu, un labyrinthe sans sortie. Mais ce labyrinthe n’est pas une prison: il est la condition même de notre liberté. Être calme, c’est accepter de marcher dans ce labyrinthe sans chercher à en sortir. Être actif, c’est tracer, à chaque pas, un chemin qui ne mène nulle part, mais qui, pourtant, fait advenir quelque chose. Le sujet n’est jamais là où il croit être, mais c’est précisément cette errance qui le constitue.
– Donc, nous errons?
– Non pas «nous errons», mais «nous sommes cette errance». Car le sujet, voyez-vous, n’est rien d’autre que ce point de fuite où le désir rencontre son impossible. Ce que vous nommez «calme» ou «activité», ce ne sont que des masques, des voiles que l’on jette sur ce vide central, ce manque fondamental qui fait que l’être est toujours autre qu’il ne se pense.

– C'est fascinant... mais je n'y comprends pas grand chose...

 

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