– Dans ce monde... dans ce théâtre... chacun aurait son rôle à jouer...
– Selon les histoires et les drames et leurs rencontres...
– Et... se pourrait-il que tout soit, en quelque sorte, sujet à interprétation?
–
Ah, mais vous touchez ici à la faille même du langage, comme durait Lacan, à ce trou dans
la trame qui fait que le sens n’est jamais plein. Dire que tout est
sujet à interprétation, c’est déjà dire trop peu, car ce que nous
interprétons, ce n’est pas le tout, mais le manque: un manque autour
duquel tourne la parole, tel un danseur autour du vide. Le monde, s’il
faut le nommer, n’est pas une réponse figée ; il est cette perpétuelle
équivoque, ce va-et-vient entre l’être et le devenir. Et peut-être
n’est-ce là que le réel, dans sa crudité : un éclat qui ne se laisse
jamais saisir.
– Vous croyez…
– Vous ne croyez pas si bien dire !
Croire, c’est déjà entrer dans le jeu du signifiant...
– Je suis perdu!
– C'est le jeu du signifiant, ce jeu où le sujet
se perd à vouloir se retrouver. Mais le croire n’est pas le savoir, et
c’est là tout l’enjeu. Le savoir, voyez-vous, est cette illusion où le
sujet cherche à combler son manque par un objet qui, à chaque fois, lui
échappe. Vous voulez croire, mais ce que vous croyez, c’est précisément
ce qui vous manque.
– Concernant le manque, je ne peux en douter.
– Et pourtant, le doute
n’est jamais ce qu’il paraît être. Il n’est pas un obstacle à la vérité,
mais sa condition. La vérité, si elle existe, n’est pas une lumière qui
dissipe l’ombre, mais une ombre qui danse avec la lumière. Elle n’est
pas ce qui résiste à la question, mais ce qui la suscite, la prolonge,
la multiplie. Et à chaque question, elle se dérobe, comme une étoile
filante qui disparaît avant qu’on ait pu la nommer.
– Et alors, qu’est-ce que cela signifie pour nous?
–
Cela signifie que nous sommes pris dans un jeu, un labyrinthe sans
sortie. Mais ce labyrinthe n’est pas une prison: il est la condition
même de notre liberté. Être calme, c’est accepter de marcher dans ce
labyrinthe sans chercher à en sortir. Être actif, c’est tracer, à chaque
pas, un chemin qui ne mène nulle part, mais qui, pourtant, fait advenir
quelque chose. Le sujet n’est jamais là où il croit être, mais c’est
précisément cette errance qui le constitue.
– Donc, nous errons?
–
Non pas «nous errons», mais «nous sommes cette errance». Car le sujet,
voyez-vous, n’est rien d’autre que ce point de fuite où le désir
rencontre son impossible. Ce que vous nommez «calme» ou «activité», ce
ne sont que des masques, des voiles que l’on jette sur ce vide central,
ce manque fondamental qui fait que l’être est toujours autre qu’il ne se
pense.
– C'est fascinant... mais je n'y comprends pas grand chose...
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