« On croit que l'on décide de ses propres actions, puis viennent des moments où l'on reconnaît avoir été conduits par la main comme des enfants d'un trottoir à l'autre. Il existe des forces, des attirances qui démentent la prétention d'être maître de soi.»
Erri de Luca, Grandeur nature, Gallimard, p. 127
Le Narrateur (tentant de dissimuler un doute naissant)
Ils plient, mais ils tiennent, ces âmes imprévues,
Et leurs mots, à mes yeux, résonnent d'inconnues.
Comment osent-ils, frêles, tenir sans peur du loup,
Et dans cet univers s'armer d'un tel courroux?
Serait-ce, dans ces cris, que s'esquisse une force
Que mes vagues, pourtant, n'effacent ni n'écorchent?
Non, je ne faiblirai, car ces êtres sont miens;
Je contrôle les flots, je maîtrise les liens!
Ils plient, mais ils tiennent, ces âmes imprévues,
Et leurs mots, à mes yeux, résonnent d'inconnues.
Comment osent-ils, frêles, tenir sans peur du loup,
Et dans cet univers s'armer d'un tel courroux?
Serait-ce, dans ces cris, que s'esquisse une force
Que mes vagues, pourtant, n'effacent ni n'écorchent?
Non, je ne faiblirai, car ces êtres sont miens;
Je contrôle les flots, je maîtrise les liens!
L'esquif vacille encore, mais ses occupants résistent.
Le Chien (fiévreux, mais déterminé)
Tyran, entends mes mots, ta force est une ombre,
Une onde fugace que l'écume encombre.
Car si l'esprit résiste, si le cœur dit encore,
Il n'est pas de chaos qui puisse mordre fort.
Je tiens, nous tenons, et ce frêle esquif,
Naufragé peut-être, est un refuge actif.
Colonel, Âne, entendez, ce bois craque et gémit,
Mais la nature demeure et jamais ne finit.
Le Colonel (secouant l'eau de son uniforme, toujours digne)
Chien, noble compagnon, tes paroles sont droites,
Et ton courage inspire même sous cette moite.
Mais souviens-toi toujours que la liberté brille,
Non dans le flot rugissant, mais dans notre bastille.
Ce mât que je tiens, ce pont qui nous soutient,
Ne sont que des symboles d'un pouvoir plus ancien.
Car ce tyran qui tonne, dans son orgueil pesant,
Ne peut vaincre un esprit qui se fait résistant.
L'Âne (observant les vagues, méditatif)
Ah, voyez ce volcan, ces vagues qui nous portent,
Et ce ciel où l'espoir, pourtant, jamais n'emporte.
Ce narrateur bruyant, ce maître vaniteux,
Ne peut voir l'illusion qu'il fait naître en ses jeux.
Car si l'esquif chavire, si les flots nous emportent,
Ne sommes-nous pas libres quand tout lien se transporte?
Je vois, dans ce tumulte, une chance éternelle:
N'est-ce pas dans la chute que la lumière se révèle?
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