jeudi 28 juin 2018

Dans un passé se perd


« C’est à Tocopilla, petit port chilien blotti entre le glacial océan Pacifique et les plateaux montagneux du désert de Tarapacá, la région la plus sèche au monde, où pas une goutte de pluie n’est tombée depuis des siècles, qu’à sept ans j’ai eu mon premier contact avec les cartes… À cause de la chaleur extrême, les commerçants fermaient boutique à midi et jusque vers cinq heures de l’après-midi. Jaime, mon père, baissait le rideau métallique de sa Maison d’Ukraine, sous-vêtements féminins et articles domestiques, et partait jouer au billard chez «le fou Abraham», un juif lituanien, veuf, échoué là dans des circonstances mystérieuses. Dans ce hangar où les femmes n’entraient pas, les marchands concurrents, autour d’une table verte, décrétaient la paix et affirmaient leur virilité en faisant des carambolages. Selon la philosophie de Jaime, à sept ans un enfant avait déjà le cerveau formé et on devait le traiter comme un adulte. Le jour de mon septième anniversaire, il me permit de l’accompagner au billard…»

Alejandro Jordorowsky 


 


L'homme dans son passé se perd. Non qu'il ne le connaisse pas ou plus, ou encore parce qu'il l'a oublié... Au contraire, simplement parce qu'il oublie d'oublier. Parce qu'il pénètre dans un passé avec des éléments, qui appartiennent au présent et qui par conséquent, dans le passé n'ont pas lieu d'être... et n'y sont pas... Cela crée un déséquilibre, une sorte de brume... 

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