lundi 4 juin 2018

Redoutable


“La règle, dans la forêt, est en effet que, de même que les humains se nourrissent de gibier, de même les esprits animaux se nourrissent de la force vitale des humains. La prise rituelle du chamane ayant fait fusionner les notions de femme et de gibier, il devra, en fin de rituel, couché sur le dos, assumer au nom des humains cette double situation, offrant sa force vitale aux esprits animaux et préfigurant ainsi la mort à venir de certains des participants. Son art réside dans la gestion du temps entre la prise et le retour de la contrepartie, qui correspond au temps de la vie humaine. Présentée sous le signe de la réciprocité et de l’alternance entre les positions, comme l’alliance entre humains ordinaires, l’alliance avec les esprits des espèces gibier est en réalité, sans cesse et sous tous ses aspects, manipulée par le partenaire humain de façon à en tirer le plus grand profit possible. Aussi la notion de « jouer» est elle présente d’un bout à l’autre du rituel, qu’elle sert même souvent à qualifier. Jouer sur le compte des promesses prises et des promesses faites, jouer à faire l’animal tout en restant humain, jouer à imiter les ébats et les combats de l’espèce sauvage alliée face aux esprits, et faire jouer à ces mêmes ébats et combats imités des animaux les participants humains, mais entre eux… Tous les détails de ce rituel s’éclairent à la lumière des propriétés des espèces sauvages imitées, comme à la lumière des positions qui leur sont assignées dans l’économie des rapports que les humains veulent établir avec telle ou telle espèce gibier ou plutôt avec l’esprit censé l’animer. Si celui-ci est un partenaire incontournable, et si l’alliance avec lui contraint à rendre à son monde pour ce qui lui a été pris, elle est conçue comme éminemment temporaire: le rituel est à rejouer totalement tous les ans, pour la réactualiser. Des dictons associent l’alliance de chasse à l’idée de durée limitée : on se dit par exemple «anda, (‘allié‘) pour un an, pour cinq ans».”

L’Aigle et le Corbeau structurent aussi la forêt sibérienne, Roberte Hamayon





Ancien Cahier de Don Carotte

Troisième feuillet
, au dos du deuxième croquis ci-dessus


Je l'ai déjà dit, il m’arrive aussi de me répéter et de prendre quelque plaisir à écouter ces drôles d'oiseaux dont je parlais dans un précédent feuillet. Je ne comprend toujours pas vraiment de quoi ils parlent, mais, maintenant cela ne me distrait pas seulement. J'ai de plus en plus l'impression, à les écouter ou à les observer, que mon esprit se vide et gagne en profondeur. Sur mon île... enfin... presqu'île, j'ai fait une nouvelle rencontre qui me donne nettement l'impression que tout ne va pas être aussi simple que je ne l'espérais. Je le redoute...


Compte rendu nº 5 de l'enfant Lune

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