Elle m’échappait encore. Je ne la suivais plus. Ainsi, aux premières heures des amours, même si elles durent, voyons nous très tôt, à un signe, à une intonation, à un geste esquissé, le moment et l’endroit où tout l’édifice craquera. Nous nous annonçons à nous même la crise future, inévitable...
François Regis Bastide, L’homme au désir d’amour lointain, Gallimard
– Il me plairait que vous examiniez dans le secret de votre cœur combien et comment il faut parfois bousculer les certitudes qui nous encombrent.
– Comment cela?
– En décryptant les faits...
– Oui, mais, pour cela, encore faut-il les connaître...
– Vous marquez un point, mais cela ne suffit pas.
– Alors?
– Ne croyez-vous point qu'il faille multiplier les sources?
– C'est le travail des historiens ou l'Histoire que vous n'aimez point!
– Vous vous trompez, ce e sont point les historiens que je n'aime pas. C'est ce que l'on fait le plus souvent de leur travail qui me dérange.
– Que proposez-vous?
– Précisément, le fait n'est pas nouveau, et c'est le propre d'un bon historien, de proposer un autre regard... et plus encore... à partir de leur regard de susciter un regard toujours neuf qui ne s'attarde pas sur le sien. En même temps, à tous les instants, des milliards et des milliards de faits se déroulent dans des milliards et des milliards d'endroits différents sur notre planète... et il faudrait n'en choisir qu'un... ou deux... ou même trois?
– Où voulez-vous en venir?
– Je voudrais que vous compreniez que ce que vous faites là, à l'instant même...
– Et que fais-je là, à l'instant?
– C'est à vous de le dire et non de répéter ce que quelqu'un vous aurait dit ce que vous fûtes à ce moment là, en ce temps là...
– De quel temps voulez-vous parler?
– C'est bien là que la difficulté commence.
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