mardi 23 juillet 2019

(23) La salle des Miroitements


« En tous les cas, est-il nécessaire de rappeler que sous e vocable plaisant et anodin de la promenade se cache, chez lui comme chez d'autres, une lourde charge du destin? La marche s'inscrit toujours dans une contexte existentiel et géographique distinct, qui la rend originale, donc intéressante, geste de vie ou de survie dans un monde qui se refuse ou qui s'ouvre de manière lumineuse et inattendue.»

Bertrand Levy, La promenade de Robert Walser




– Qu'est-ce encore que cela?
– Il me semble que son nom est Kadi...
– Est-il une des ces créatures nées de votre imagination?
– Je n'en ai aucune idée...
– Tel n'est donc pas le cas!

Derrière les paupières mi-closes de Kadi se déroulaient d’innombrables scènes que lui seul pouvait voir et il n’était pas rare que se mêle à elles des personnages ou des décors qui se trouvaient à proximité. Toujours à leur insu. Il agissait alors comme une sorte de metteur en scène ou d’acteur ou des deux à la fois... ce n’était point par défaut de raison que tout finissait par s’unir, mais au contraire par une sorte d’excès: une rationalité extrême et une obéissance rigoureuse aux lois de la nature telles qu’elles lui apparaissaient et où nul n’eut pu se hasarder sans son autorisation ou son désir. Personne n’était capable d’imaginer combien de tragédies tout autant que de comédies se déroulaient dans le silence apparent des deux scènes et l’arrière fond de la salle des Miroitements. C’est ainsi qu’il la nommait et c’est ainsi qu’elle se manifestait. La moindre parcelle lumineuse agissait comme un appel qui se transmettait d’un côté à l’autre tout en se démultipliant infiniment.  Tout autre que lui n’y eût trouvé que confusion et chimères, mais pour lui, qui depuis toujours vivait avec, rien n’était plus naturel... 


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