mardi 20 août 2019

(20) Un ébauche


« Pour que l'homme-hochet réussisse, il faut le prendre de bonne heure. Le nain doit être commencé petit. On jouait de l'enfance. Mais un enfant droit, ce n'est pas bien amusant. Un bossu, c'est plus gai. De là un art. Il y avait des éleveurs. On prenait un homme et l'on faisait un avorton; on prenait un visage et l'on faisait un mufle. On tassait la croissance; on pétrissait la physionomie. Cette production artificielle de cas tératologiques avait ses règles. C'était toute une science. Qu'on s'imagine une orthopédie en sens inverse. Là où Dieu a mis le regard, cet art mettait le strabisme. Là où Dieu a mis l'harmonie, on mettait la difformité. Là où Dieu a mis la perfection, on rétablissait l'ébauche. Et, aux yeux des connaisseurs, c'était l'ébauche qui était parfaite.

Victor Hugo, L'homme qui rit


– Pourquoi hésite-t'il?
– Il a le temps. Il réfléchit...
– Est-ce que le temps passe de la même manière pour tout le monde?
– Nous serions tentés de répondre oui, mais, comme vous vous en doutez peut-être, je vous répondrai par la négative...
– Pourquoi?
– Y’a t’il un pourquoi avant chaque pourquoi ? Et si c’est le cas on peut, sans craindre de paraître ridicule ou quoi que ce soit, se demander pourquoi...
– Pourquoi pas...
– Ciel! Cela me rappelle quelque chose...
– Quoi donc ?
Pourquoi pas est la première expression que j’ai apprise... Je la répétais sans cesse. Cela amusait mon maître. Alors, à son tour, il en abusait... à tel point qu’il me parut être ridicule...
– Vous avez osé penser cela de votre maître ?
– C’était la première fois...
– La première fois que vous aviez ce genre d’attitude envers votre maître?
– Non. C'était la première pensée... jusqu'alors je n'en avais jamais eu...


 

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