samedi 17 août 2019

(17) Tournis


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« Nous revenions avec amitié sur nos anciennes différences, comme jadis, avec amitié, nous les avions reconnues. Mais nous nous accordions enfin, selon l’usage éternel des personnes qui se font moins jeunes, dans le regret des jours consumés. Quoique rien ne soit plus ordinaire, toutefois il ne fut jamais plus raisonnable de gémir sur ce qui n’est plus. C’est que le temps de notre jeunesse et celui de notre vigueur ne s’est pas évanoui insensiblement et par une altération imperceptible, il a péri d’une mort violente ; il ne peut plus s’apercevoir qu’au travers d’immenses événements. Le monde au sein duquel nous nous sommes formés à la vie et à la pensée est un monde foudroyé. Nous vivons comme nous pouvons dans le désordre de ces ruines, ruines elles-mêmes inachevées, ruines qui menacent ruine, et qui nous entourent de circonstances pesantes et formidables, au milieu desquelles le visage pâlissant du passé nous apparaît plus doux et plus délicieux que si le cours indivisible des choses n’eût fait que nous ravir paisiblement quelques dizaines d’années.»

Discours de réception à l'Académie française de Paul Valéry


– Ils m'avaient bandés les yeux de telle sorte que je ne pouvais rien voir... De fait un tout petit espace était resté non recouvert par lequel je pouvais, non pas voir, mais observer ou plutôt imaginer un espace flou... Puis, oubliant sûrement que je n'étais pas censé être capable de parler, tout en tournoyant autour de moi, ce qui me mis mal à l'aise, une sorte de tournis que n'affectionne guère, qui me déséquilibrait et me faisait perdre le peu de notion de l'espace que je possédais, ils me posèrent tout un tas de questions auxquelles bien sûr je ne répondais point...

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