Le monde, ce tas de fumier de forces instinctives, qui brille malgré tout au soleil en tons pailletés d'or et de clair-obscur.
Pour moi, si je considère pestes, tempêtes et batailles, j'y vois le produit de la même force aveugle qui s’exerce tantôt grâce à des microbes inconscients, tantôt par le jeu des coups de foudre et de trombes d'eau, eux aussi inconscients, tantôt par le canal d'hommes tout aussi inconscients. Entre un tremblement de terre et un massacre, je ne vois pas d'autre différence que dans un assassinat perpétré avec un couteau ou avec un poignard. Le monstre immanent aux choses utilise tout autant –pour son plus grand bien ou son plus grand malheur, qui, d'ailleurs, semblent lui être indifférents– le mouvement d'un rocher dans les hauteurs que celui de la jalousie ou de la convoitise dans un cœur humain. Le rocher tombe, et vous tue un homme; la jalousie ou la convoitise arment un bras, et le bras tue un homme. Ainsi va le monde, tas de fumier de forces instinctives, qui brille malgré tout au soleil en tons pailletés d'or et de clair-obscur.
Le livre de l’Intranquillité, Fernando Pessoa
– À l'heure où tous devraient dormir...
– On est ici dans un territoire indéfini, presque indistinct pourtant...
– Comment ont-ils fait pour y accéder?
– Je dois supposer que comme nous ils l'ont fait sans le savoir...
– Ce serait plutôt à moi de vous poser la question...
– Quelle question?
– Comment sommes-nous arrivés jusqu'ici?
– Quel est le rapport avec eux? Tiens! Regardez qui voilà... Lui aussi...
– Elle aussi...
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